Des objectifs dans la continuité de la ligne Blanquer 

Parmi les objectifs visées par cette « nouvelle Sixième » et plus globalement la réforme du collège, le note de service insiste sur :

– la volonté d’orienter précocement, notamment avec l’idée « de concevoir leur projet de poursuite d’études au lycée général et technologique, en lycée professionnel ou dans un centre de formation pour apprentis ». Devenir apprenti pré-bac est donc désormais considéré comme un des « objectifs ambitieux assignés au collège » !

– la rhétorique de l’excellence : « une heure hebdomadaire de soutien ou d’approfondissement en français ou en mathématiques afin de remédier à leurs difficultés, d’accompagner les progressions de chacun et de cultiver leur excellence ».

Les fondations de ce texte demeurent l’individualisation de l’enseignement («  chacun ») et le tri lié à l’idéologie de la méritocratie.

Une volonté de minorer le rôle du Conseil d’Administration (CA)

Alors que les réformes du Pacte et du collège augmentent le pouvoir de décision des chef.fes d’établissement, le ministère a entendu la demande réitérée des organisations syndicales qu’ils et elles ne soient pas les seuls à organiser les nouveaux enseignements complémentaires: « Conformément au cadre réglementaire, l’organisation de ces modalités d’enseignement relève du chef d’établissement après consultation des instances. Le conseil pédagogique peut ainsi formuler des propositions quant aux modalités de l’accompagnement pédagogique et est également consulté sur l’organisation de ces nouvelles modalités d’enseignement. »

En ne citant que le conseil pédagogique désigné par les chef.fes d’établissement, le ministère minore le rôle du CA bien qu’il soit forcé de le reconnaître par le pluriel «  des instances ». Le SNES-FSU rappelle l’importance du CA qui vote ou amende le tableau de répartition des moyens horaires ventilant la DHG. L’article R421-20 du Code de l’Éducation dit clairement que c’est le C.A. « fixe les principes de mise en œuvre de l’autonomie pédagogique et éducative dont disposent les établissements »

Le SNES-FSU alerte sur le fait que seul les chef.fes d’établissement auront la main sur les moyens liés au Pacte. La répartition des lots d’heures par brique de Pacte ne pourra se discuter qu’en conseil pédagogique consultatif au mois de juin. Le dossier de presse sur les salaires laisse à penser qu’il faudra accepter une brique de 18 heures de remplacement au pied levé avant de pouvoir accéder à toute autre mission liée au Pacte. C’est toute la question des groupes à effectif réduits pour le « soutien ou approfondissement » et l’ « accompagnement aux devoirs » qui échapperait au CA puisqu’aucune heure d’enseignement n’est prévue pour cela.

Le dispositif « soutien ou approfondissement » 

Qui et avec quels moyens ?

La note de service définie assez clairement les intervenant.es pour ce dispositif. Pour le volet « soutien », les cours sont assurés par des professeur.es de français et de mathématiques sur l’heure de technologie supprimée par classe ainsi que par des professeur.es des écoles mobilisé.es dans le cadre du Pacte enseignant. Ce serait du volontariat de ces derniers que dépendrait l’allégement des effectifs des regroupements.

Pour le volet approfondissement en mathématiques ou en français, c’est l’intervention des professeur.es de ces deux disciplines qui est privilégiée mais aussi potentiellement de celles et ceux d’autres disciplines. Ni la note de service, ni le dossier de presse sur le Pacte ne mentionné que ces regroupement dépendent du Pacte. C’était pourtant l’idée initialement.

L’ensemble permet de montrer la volonté du ministère de primariser le collège : d’une part en installant les professeur.es des écoles au collège comme des spécialistes de la difficulté scolaire et d’autre part en instaurant une bivalence de fait pour les professeur.es d’autres disciplines qui pourraient approfondir l’apprentissage du français et des mathématiques avec les élèves de Sixième les plus à l’aise avec ces programmes.

Il faut conserver en tête que l’un des objectifs du ministère, à long terme, est de fusionner les corps des professeur.es des écoles (dont le temps de service en face à face est plus long que celui des PLC) avec les PLC des collèges.

Une importante contrainte sur les futurs emplois du temps.

La note de service souligne que cet enseignement complémentaire s’organise entre « plusieurs ou toutes les classes », ce qui implique la mise en barrette d’emplois du temps d’au moins deux classes de Sixième. Si des professeur.es des écoles interviennent via le Pacte enseignant, comme c’est indiqué, alors cette heure en barrette se déroulera forcément en fin de journée ou le mercredi matin (dans les communes où la semaine d’école est sur quatre jours) pour respecter leur disponibilité. Cela va créer bien des contraintes qui induiront des emplois du temps de moins bonne facture pour tous et toutes, notamment pour les professeur.es de français et de mathématiques pour qui il sera plus difficile de faire le vœu d’un mercredi matin libéré.

Des temps de concertation non rémunérés ?

« Leur composition et leur programmation sont révisées au moins chaque trimestre ». La note indique qu’« afin d’organiser les sessions de soutien et d’approfondissement, des heures de concertation entre les professeurs sont prévues par les établissements, notamment pour y associer les professeurs des écoles qui interviennent. » Il faudra se concerter avec les professeur.es des écoles à l’issue de chaque trimestre au moins ou par exemple par période entre deux vacances, sans que des moyens supplémentaires ne soient prévus à cet effet. Pour le ministère, une brique de Pacte est un forfait comprenant 18 ou 24 heures de face-à-face avec les élèves ainsi que tout le travail invisible qui l’accompagne dont ces temps de concertation qui peuvent se révéler chronophages.

Pour les sixièmes SEGPA :

Dans l’objectif d’assurer une égalité de traitement pour les élèves de Sixième SEGPA, ce dispositif concerne aussi leur grille horaire. Ils sont donc destinés à être dispersés entre divers groupes, probablement de soutien mais pas forcément avec un.e professeur.e des écoles spécialisé.es alors qu’ils rencontrent des difficultés longues et durables dans leurs apprentissage. Une précaution de principe posée par la circulaire va se heurter rapidement à la réalité du terrain et une partie de ces élèves perdront le bénéfice, une heure par semaine, de la structure SEGPA qui les accueille.

Quels contenus ?

Lors d’une multilatérale, le SNES-FSU et le SNUIPP ont insisté sur l’aspect réducteur des enseignements prévus initialement : des compétences clés ciblées en lien avec des savoirs fondamentaux, c’est-à-dire un travail de répétition de procédures. La note de service se réfère désormais aux programmes officiels et c’est un grand progrès. L’apprentissage du français ne peut pas se limiter à la fluence par exemple.

Le ministère tente de camoufler l’œuvre de tri qu’initie ce dispositif de groupes de niveau. « Pour les heures d’approfondissement, il ne s’agit pas d’anticiper sur les connaissances et les compétences ultérieures de 5e mais de travailler autrement les compétences de français ou de mathématiques du programme de 6e , de sorte à varier les approches d’activités de résolution de problèmes, d’écritures longues ou de lectures plus complexes. » Il ne s’agit pas seulement d’apporter du soutien hors la classe aux élèves en difficulté comme c’était le cas à l’époque de l’ATP mais dans le même temps, il s’agit de donner un temps d’enseignement approfondi avec les autres élèves.

Dans la même optique, il précise : « Les élèves n’ont pas vocation à suivre la même session toute l’année »

Enfin : « Les heures de sessions sont des temps complémentaires à l’accompagnement personnalisé et n’ont pas vocation à se substituer à ce temps » or certain.es chef.fes d’établissement ont d’ores et déjà préparé une ventilation de la DHG diminuant des dédoublements en Sixième pour financer ces enseignements complémentaires. Cette note de service, publié mi-avril, vient percuter l’organisation de la rentrée 2023 qui s’opère normalement au mois de janvier. Dans ce paragraphe, le ministère semble brièvement prendre conscience que c’est au professeur.e de la classe de devoir « porter une attention particulière » aux élèves en difficulté tout en persévérant dans l’installation de ce dispositif qui va à l’inverse de ce principe.

« Devoirs faits » obligatoire pour les élèves de Sixième mais non financé

Nouvelle usine à gaz, l’accompagnement aux devoirs est obligatoire en Sixième mais « Le volume horaire et les modalités d’organisation sont déterminés par le chef d’établissement en fonction de son contexte et des besoins des élèves, en priorisant, dans la mesure du possible, le recours au personnel enseignant. Tout élève bénéficie donc, sur l’ensemble de l’année scolaire, d’un temps dédié obligatoire d’accompagnement aux devoirs dont le volume peut varier en fonction de ses besoins.» Cette formulation relativise l’obligation pour un.e élève. Les élèves d’une même classe ne suivront pas forcément le même nombre d’heures d’accompagnement aux devoirs.

 Le ministère utilise Devoirs faits comme un outil de pilotage des pratiques pédagogiques dans l’objectif de les uniformiser alors que les études sociologiques montrent que c’est en diversifiant les approches pédagogiques qu’il est possible de faire progresser les élèves.

L’accompagnement aux devoirs en Sixième et Devoirs faits en général sont des missions secondaires du Pacte enseignant, c’est-à-dire qu’il faut déjà avoir accepté 18 heures de  remplacement au pied levé pour accéder à une brique de 24 heures de missions secondaires. Actuellement, Devoirs faits est rétribué en HSE sans signer de contrat.

L’article 3 de l’arrêté du 7 avril 2023, paru au JO du 13 avril, indique que les moyens afférents seront alloués en fonction des spécificités des établissements. L’enveloppe de Pacte ferait donc l’objet d’une sorte d’allocation progressive de moyens, différenciée d’un collège à l’autre.

Pilotage partagé et formation

L’action du SNES-FSU en multilatérale a permis d’obtenir une rédaction plus neutre du ministère qui ne prétend plus donner de rôle pédagogique aux chef.fes d’établissement dans cette partie de la note de service.

La note de service montre également l’importance qui sera donné dans les années à venir aux Conseils académiques des savoirs fondamentaux  (CASF) pour piloter les contenus pédagogiques de ces enseignements complémentaires, ainsi qu’aux Écoles académiques de la formation continue qui devront proposer des modules de formation.

Cette note de service renvoie vers des ressources d’accompagnement en ligne sur Eduscol https://eduscol.education.fr/2466/une-classe-de-sixieme-au-plus-pres-des-besoins-des-eleves comprenant notamment une note d’intention sur le soutien et l’approfondissement, ainsi que des exemples de séances en français et en mathématiques, qui seront complétées progressivement.

Apparaîtront progressivement également des descriptifs de session, des exemples de propositions annuelles et trimestrielles.

Un Livret « Devoirs fait Sixième » est également annoncé.

En résumé, la « nouvelle sixième » c’est :

– Une heure de soutien ou d’approfondissement en regroupements interclasse, principalement menée par les professeur.es de français et mathématiques sur l’heure supprimée de technologie ou via une brique de Pacte, comme pour les professeur.es des écoles. Des effectif réduits dépendent du nombre de professeur.es ayant contracté le Pacte.

– Un accompagnement aux devoirs sous forme de deuxième brique de Pacte enseignant avec le remplacement au pied levé.

– Une multiplication des contraintes sur les emplois du temps des élèves et des personnels.

– Le Pacte, en embuscade partout, qui vise à attaquer notre statut.

– Une tentative de plus de mettre la main sur les pratiques pédagogiques.

– Des temps de concertations énormes et absolument pas prévus.

– Une volonté de se passer du C.A.

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