Cette note ne reprend pas l’ensemble des éléments du projet de réforme, elle tente de faire un point sur ce qui est « nouveau » suite aux annonces d’E Philippe le 11 décembre.

1) sur les annonces

  • Confirmation de la création d’un régime universel à points
  • 2025 resterait l’année de bascule dans le système universel pour les générations nées de 1975 à 2003 concernées par une carrière mixte (régime actuel jusqu’en 2025 /système à points ensuite). Le rapport Delevoye préconisait, lui, une entrée en vigueur dès les générations 1963 et suivantes.
  • Entrée en vigueur d’un système universel et du nouveau système de gouvernance dès 2022 et non 2025 comme prévu par le rapport Delevoye. Les générations nées en 2004 et après entreraient dès 2022 dans le nouveau système, année théorique de leur entrée dans la vie active : elles cotiseraient dès lors sur leurs primes pendant que les autres générations ne le feraient qu’à partir de 2025 (ce qui, incidemment, pourrait induire des nets à payer différents d’un-e agent-e à l’autre sur la même indemnité, selon les cotisations sociales prélevées ou pas). L’augmentation des cotisations sur les indemnités devrait s’échelonner sur 15 ans. Nous ne disposons pas d’informations concernant le RAFP…
  • Confirmation d’un âge d’équilibre fixé à 64 ans, évoluant avec l’espérance de vie (déjà préconisé par le rapport Delevoye). Dès 2022, création d’un âge d’équilibre à 62 ans et 4 mois porté progressivement à 64 ans en 2027 (+4 mois par an dès 2022): les générations 1960 et suivantes sont toutes concernées. Cette mesure crée un malus de 5% par année manquante par rapport à cet âge d’équilibre (on ne sait pas encore si le projet est de découper ce malus en trimestres, soit 1,25% par trimestre manquant comme actuellement, ou si c’est seulement 0%, 5%, 10%, et dans ce cas quels sont les seuils de déclenchement).

Pendant la période de transition, pour les générations prétendument « non concernées par la réforme » :

  • de 2022 à 2027, soit pour les générations 1960 à 1965, application de la décote actuelle (en fonction de la durée d’assurance ou de l’évolution de l’âge d’annulation de la décote) et du malus du système à points. Pendant cette période, c’est le calcul le plus défavorable entre décote et malus qui s’appliquerait (en revanche, les deux, malus et décote, ne s’ajoutent pas l’un à l’autre. Exemple d’un-e agente né-e en 1965, il-elle doit 42 ans mais, à l’âge de 62 ans, n’en a fait que 41 : il-elle a, dans le système actuel, 5% de décote. Avec le nouveau système, s’il-elle part à 62 ans, soit en 2027, l’écart à l’âge d’équilibre est de 2 ans, la décote sera donc de 10%. Entre 5% et 10%, on choisit le plus défavorable, à savoir 10% (mais on ne fait pas 5% + 10% = 15%). Il-elle doit attendre 63 ans pour retrouver la décote de « seulement » 5% qu’il aurait eue sans la mesure).

Il s’agit donc, dans la période immédiate, d’« inciter à travailler plus longtemps » : tout-e salarié-e qui partirait avant l’âge d’équilibre subirait un malus quel que soit son nombre d’années de cotisations.

  • De 2027 à 2037, pour les générations 1965 à 1974, l’âge d’annulation de la décote du système actuel serait progressivement abaissé puis supprimé: c’est un point technique sur lequel nous n’avons aucune précision ni certitude, mais attention (là encore) aux éléments de langage du gouvernement qui parle d’un progrès. Il faut bien comprendre que, dans le système actuel, il y a déjà deux modalités de calcul de la décote : soit en fonction de la durée d’assurance, soit en fonction de votre écart à l’âge d’annulation de la décote, et on retient le plus favorable. Ce pourrait être cette seule seconde modalité que le gouvernement supprimerait. Or, dans le système actuel, l’écart à l’âge d’annulation de la décote est souvent utile à titre de « cliquet » (par exemple, dans le système actuel, pour un assuré qui, à 64 ans, n’a encore cotisé « que » 37 annuités sur 42 et qui, à ce titre, devrait avoir une décote de 25%, on applique l’écart à l’âge d’annulation car il lui est plus favorable, soit 67 – 64 ans = 3 ans, soit 15% de décote « seulement »). Ainsi, avec la disparition de toute référence à un âge d’annulation de la décote, enrobé dans la création d’un âge d’équilibre avec lequel on fait mine de tout confondre, ce pourrait être encore pire pour beaucoup (ce même assuré, à 64 ans, se verrait-il désormais appliquer, comme pour la génération précédente, « le plus défavorable des 2 » entre 0% puisqu’il a l’âge et 25% puisqu’il n’a pas la durée, soit 25% de décote ?).

En annexe, un tableau fondé sur ces hypothèses donne des taux de pension pour des départs à 62 et à 63 ans.

  • Enfin, une annonce qui n’en est pas une : la retraite progressive. Depuis le début des concertations, le Haut-Commissaire à la Réforme des Retraites (HCRR) met en avant l’opportunité pour la Fonction publique qu’ouvre l’harmonisation des régimes de retraite en permettant l’accès à la retraite progressive actuellement possible seulement pour les salarié-es du privé. Aucune précision n’a été donnée sur les modalités de mise en œuvre, et le Premier Ministre interrogé par la FSU sur l’âge à partir duquel ce droit serait ouvert ne répond pas. En effet, cette retraite progressive pourrait se traduire de différentes façons :

Si c’est avant 62 ans qu’un cumul temps partiel / une partie de sa retraite est ouvert, cela peut constituer une avancée partielle et encore : il faudra voir avec quelle valeur de point on peut commencer à bénéficier d’une partie de sa pension, et quelles sont les conséquences d’en avoir liquidé une partie pour sa retraite complète ensuite (si les valeurs de point sont très faibles dès 60 ans et qu’on ne retrouve plus jamais une valeur de point plus élevée ensuite, la possibilité d’être à temps partiel avant 62 ans risque de se payer très cher).

S’il s’agit d’appeler retraite progressive un dispositif qui ne serait ouvert qu’à partir de 62 ans, cela sera en fait une extension du cumul emploi retraite, c’est-à-dire la possibilité de continuer à travailler à temps partiel et donc d’accumuler des points même une fois à la retraite : ce serait en fait une aggravation supplémentaire justifiant un recul permanent de l’âge de départ.

  • Les annonces spécifiques sur les enseignant-es (EN et ESR) à savoir :

Une loi de programmation pluri annuelle dans l’EN

Une inscription des revalorisations dans la loi LPPR pour le sup

Une enveloppe totale autour de 10 milliards pour l’EN, sans avoir défini le montant de l’augmentation nécessaire pour garantir aux enseignant-es le même niveau de pension que dans le système actuel.

La question des « contreparties » voire des redéfinitions des métiers exigée reste entière.

La FSU rappelle en outre que les enseignant-es ne sont pas les seul-es concerné-es par de faibles taux de primes. Une revalorisation doit passer principalement par les leviers indiciaires (dégel de la valeur du point d’indice, refonte des grilles, etc.) et concerner l’ensemble de la Fonction publique (titulaires et non-titulaires).

Communiqués FSU :

http://fsu.fr/le-ministere-de-leducation-nationale-contraint-de-reconnaitre-lampleur-des-degats-de-la-reforme-des-retraites/

http://fsu.fr/bilaterale-au-ministere-de-lesr-une-audience-qui-conforte-la-fsu-dans-sa-determination-a-poursuivre-et-amplifier-la-mobilisation/

2- sur les cas types

Le gouvernement a publié des cas type qui présentent tous un faible impact de la réforme (faibles augmentations ou faibles diminutions des montants de pension. Mais ils ont les mêmes défauts que ceux publiés dans le rapport Delevoye, à savoir

– prendre comme point de comparaison un système futur encore plus dégradé que ne le prévoit la montée en charge des réformes précédentes. A l’inverse, l’âge d’équilibre, pourtant élément central de la réforme, ne semble pas avoir été appliqué à ces cas types, minorant les effets négatifs du nouveau système

– ils ne donnent aucun élément sérieux sur la méthodologie retenue. En particulier, l’indice détenu n’est pas précisé, rien n’est dit des modalités de la transition appliquée, etc.. De même, la confusion est grande sur les augmentations salariales projetées pour les cas types de fonctionnaires puisque d’un côté, un renvoi de bas de page note que le point d’indice est, dans cette projection, revalorisé « comme l’inflation » (ce qui n’est pas la politique suivie actuellement puisque la valeur du point d’indice est gelée), mais d’un autre côté, les montants de pension affichés pour 2040 ou 2050 dans l’ancien système semblent se fonder sur une rémunération brute toujours identique (et qui correspond, pour les cas type PE et certifiés, au dernier échelon de la hors classe).

Les cas types « enseignant-es » comportent une colonne « avec la garantie prévue par la loi » mais nous n’avons précisément aucune garantie sur ces hypothétiques « compensations ».

Enfin, aucun cas type n’est présenté avec droits liés aux enfant(s), ce qui est quand même surprenant car d’une part c’est une part majoritaire des salariées qui font valoir des droits à enfants, et d’autre part c’est surprenant aussi du point de vue du gouvernement quand on a en tête tout le discours sur le fait que « les femmes y gagneraient » de ne pas le voir ici démontré avec des cas précis…

TableauFSU