3 octobre 2021

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Autoévaluation des établissements : quelles obligations de service ? Quelle stratégie collective ?

Autoévaluation des établissements : quelles obligations de service ? (...)

L’autoévaluation des établissements est finalement victime d’une contradiction indépassable : présentée compulsivement par l’Institution comme un processus participatif, elle est avant tout un exercice imposé par l’autorité académique résultant d’une commande politique.
Le Snes-FSU fait le point sur les obligations qui s’imposeraient (ou pas) aux personnels dans cette démarche imposée d’en haut, et suggère quelques pistes collectives pour ne rien se laisser imposer.

Objectif de l’autoévaluation version Blanquer : faire entrer dans les collèges et lycées la « culture de l’évaluation », et parvenir à susciter, à l’interne, des modifications d’organisation et des pratiques professionnelles en réalité conformes aux prescriptions ministérielles. Cette « culture » vise à faire intégrer l’idée que ce sont les personnels, et non les moyens alloués à l’Education nationale, qui sont responsables de la réussite scolaire et la qualité du service public.
À terme, les personnels devraient donc rendre des comptes sur les résultats chiffrés obtenus.

Cet article s’attache à faire le point sur les obligations des agents des EPLE (collèges et lycées) dans le cadre de cette « autoévaluation », dont l’analyse syndicale Snes-FSU fait l’objet d’autres articles.

La profusion de documentation diffusée depuis la création du « conseil d’évaluation de l’école » (Loi « confiance » de juillet 2019) pourrait laisser penser que les personnels sont impliqués de fait dans le processus local qui devrait conduire, sur 5 ans, tous les établissements à être évalués, via une « autoévaluation » suivie d’une « évaluation externe ».

En réalité, il n’en est rien : aucune disposition réglementaire ou législative ne permet d’imposer la participation des collègues à un processus qui a certes, pour objectif final de contraindre l’exercice de leurs missions en alimentant le projet d’établissement et le contrat d’objectifs, mais dont les modalités, le calendrier et les étapes n’ont pas de fondement juridique ... Ce qui explique justement la façade « participative » et « impliquante » donnée à l’affaire ... et non pas le souci de faire vivre la démocratie en EPLE !

« Phase d’autoévaluation »
- « Boîtes à outils » et questionnaires  : « Ces outils n’ont pas vocation à normer leur démarche » et ne sont que « mis à disposition » (sic) ... Mais les personnels de direction sont fortement incités à utiliser des questionnements extrêmement orientés et précis : la question du renseignement de ces questionnaires « prêts-à-l’emploi » (élèves comme parents sont concernés) se pose donc légitimement. En tout état de cause, il ne peut être imposé d’y répondre.

- La mise en place éventuelle d’un « comité de pilotage » et de commissions ou GT thématiques, suggérée pour engager les équipes dans la démarches n’est pas obligatoire, et la participation des collègues ne relèvent que du volontariat. Le Snes-FSU conseille de réfléchir collectivement à l’attitude à adopter face à ce type de proposition issues du document de cadrage produit par le CEE qui organisent le contournement des élu.e.s des personnels.
Dans ce contexte « évaluatif » seuls les conseils d’enseignement pourraient imposer la participation des équipes : nous rappelons que le conseil pédagogique ne réunit que des volontaires et ne formule que des avis consultatifs.

- Le rapport d’auto-évaluation n’est que « communiqué » au conseil d’administration. C’est l’occasion pour les représentant.e.s des personnels d’exposer leur point de vue sur la démarche, ses finalités et le contenu du rapport qui est à la main du chef d’établissement et président du CA : une motion des personnels d’enseignement et d’éducation peut résumer notre position et nos craintes.

« Phase d’évaluation externe »
 Le chef d’établissement et les évaluateurs « externes » à l’établissement (mais internes à la hiérarchie académique : autres personnels de direction, IA-IPR, « cadres académiques ») réalisent de concert une « grille de questionnement, d’entretiens et d’observation » avant la visite de l’établissement : les collègues, via leurs élu.e.s par exemple, ont tout intérêt à demander communication de ce document et à en débattre collectivement.
- la visite en établissement : il est prévu toute une série « d’observations », y compris de séquences pédagogiques. Il est évident que l’accord préalable des collègues doit être sollicité pour une observation qui ne relève pas de l’accompagnement individuel ou du rendez-vous de carrière. Accord nécessaire également pour des entretiens individuels ou collectifs : il ne peut y avoir de convocation !
Là encore, nous conseillons d’adopter une stratégie collective et de discuter l’opportunité de mandater des collègues pour éventuellement être entendu dans le cadre d’entretiens qui seront fortement cadrés par une « organisation préétablie avec le chef d’établissement » (Cahier des charges de l’évaluation externe).
- Le rapport d’évaluation externe :
Dans les 30 jours qui suivent la visite, les évaluateurs externes doivent envoyer au chef d’établissement un « pré-rapport » qui serait ensuite restitué en conseil d’administration. Le document de cadrage suggère que « L’établissement a la possibilité, s’il le souhaite, de produire une réponse écrite qui sera jointe au rapport définitif ». À ce stade, il n’est pas prévu de vote pour adopter ce rapport, ni de l’intégrer au projet d’établissement, ce qui le rendrait contraignant et dangereux :

"L’évaluation est destinée avant tout à l’établissement lui-même. Le regard porté par les évaluateurs externes doit à ce titre être à la fois exigeant et respectueux.
Exigeant parce qu’il s’agit de situer les réussites de l’établissement par rapport à des objectifs et attendus nationaux ou académiques [...]
elles proposent des actions concrètes, des outils, des démarches, internes et externes, qu’il s’agisse de modalités d’enseignement, d’accueil des élèves, de formations, de projets ou de partenariats".

Nous conseillons :
 de demander ce document préparatoire avant même la communication officielle qui doit intervenir au plus tard 8 jours avant la séance du CA
 de demander quelle sera la composition du CA « élargi » pour la « restitution »
 de rédiger une réponse écrite qui pourra prendre la forme d’une motion
 et d’organiser une heure syndicale pour la préparer.

L’intégration du rapport final au projet d’établissement est susceptible de contraindre la liberté pédagogique : il faut donc être très vigilant car il ne s’agit pas seulement d’une énième usine à gaz bureaucratique, mais bien d’un dispositif réfléchi pour obtenir des équipes qu’elle consentent à confier les clés de leur métier et de l’établissement à son seul chef, réduit lui/elle aussi à un rôle d’exécutant volontaire.
Attention à l’effet boomerang de l’autoévaluation !

Sources :
LOI n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance
Conseil d’évaluation de l’École