LE MINISTÈRE TENTE DE DEMOLIR

DÉCONSTRUIRE LE COLLECTIF DE TRAVAIL POUR PILOTER LES ÉQUIPES

Parmi les 12 engagements dévoilés à l’issue du « Grenelle de l’Education », le 8 ème peut paraître a priori séduisant : il est question de « donner plus d’autonomie aux équipes pour développer leur projet », considérant que la réussite des élèves suppose « un collectif pédagogique uni » autour du projet d’établissement. Trait caractéristique du ministère Blanquer, la communication la plus consensuelle sert à masquer les orientations les plus menaçantes pour nos métiers : inspirées des principes du New Public Management, elles visent à réformer les services publics en y important les modes de gestion du privé.. Ainsi, il est question d’identifier les collègues susceptibles de
cumuler des missions « mixtes », à la fois d’enseignement et d’inspection... Une refonte du statut de 2014 en ce sens inscrirait dans le marbre l’existence d’une hiérarchie intermédiaire et mettrait à mal l’unité de la profession. L’objectif final de Blanquer étant de rendre floue la limite entre logique pédagogique
et logique administrative, et de confier au chef d’établissement à la fois la légitimité pédagogique qui lui manque pour peser sur les pratiques (l’évaluation des élèves par exemple), et des « personnels relais » sur lesquels il pourrait s’appuyer.
La recherche de « leaders porteurs de projets » à mi-chemin entre direction et enseignant.e.s, est également à l’œuvre dans l’expérimentation des Contrats Locaux d’Accompagnement lancée en même temps que le « Grenelle » : il s’agit d’identifier et « d’accompagner » des « porteurs de projets » dans les établissements à la limite de l’Education Prioritaire, de les rémunérer en IMP, et non de dégager du temps... car cela coûterait des postes !
Différenciation indemnitaire, valorisation de certain.e.s collègues qui seraient plus engagé.e.s que d’autres dans la réussite des élèves, traduite en objectifs et critères de performance...
Le travail en équipe n’est qu’un prétexte : l’ambition, à terme, est au contraire de saper la cohésion des équipes et de procéder à une refonte des carrières qui donnerait un pouvoir décisif à la hiérarchie locale en matière d’avancement et de promotion.
Annoncée mi-juin, la mise en place d’une part variable -par établissement- de la prime REP+ va aussi dans le sens du Grenelle : elle sera source de concurrence entre les établissements d’un même réseau, et source de tensions à l’interne sur le taux de la prime attribuée.
« Leadership », concurrence, mais aussi prescriptions et reddition de comptes : le travail en équipes hiérarchisées doit s’inscrire dans une « culture de l’évaluation » que le contrat d’objectifs n’a pas réussi à imposer de l’aveu même du rectorat : l’autoévaluation des établissements, sous un vernis participatif, doit permettre au chef d’établissement de piloter enfin le travail de chacun.e… en s’appuyant sur un consentement collectif contractualisé.

LE SNES-FSU CONSTRUIT

LE TRAVAIL EN EQUIPE COMME PARTAGE

Pour le Snes-Fsu, le travail entre pairs consiste dans le partage de pratiques professionnelles et s’oppose au pilotage vertical des pratiques pour les contraindre. Il suppose que les personnels soient reconnus chacun dans leur expertise, qu’ils puissent définir et adapter une partie de leurs objectifs, et avoir la liberté de s’exprimer sur ces sujets (méthodes, pratiques, modalités d’évaluation choisies). Cette autonomie professionnelle, reconnue dans le cadre de la “liberté pédagogique” en ce qui concerne les enseignant.e.s, constitue un élément essentiel de défense de la neutralité dans l’exercice des missions de service public et de résistance aux pressions managériales. La reconnaissance de cette autonomie individuelle, dans le respect d’un cadre national, prémunit de toute instrumentalisation du travail en équipe dans une optique managériale. Pour le Snes-Fsu, le travail en équipe peut prendre la forme d’un temps de concertation sur le temps de travail, ce qui nécessite des moyens, c’est-à-dire des dotations en personnels. Dans ce cadre, le collectif et la coopération permettent d’enrichir les praiques, et peuvent contribuer à aider les collègues à anticiper es difficultés des élèves et à prévenir les malentendus socio-cognitifs.
Ces temps de concertation dédiés doivent pouvoir s’organiser à l’initiative des équipes et dans le cadre des obligations de service. La réduction des maxima de service, comme reconnaissance de la charge de travail, sous forme de pondération sans aucune contrepartie, doit être préservée et même étendue aussi bien pour les personnels en collège que pour ceux en lycée. Le travail en équipe doit être reconnu dans sa dimension disciplinaire, interdisciplinaire mais aussi pluri professionnelle (enseignant.e.s, CPE, CO-Psy, AED, AESH, infirmièr.e.s et assistant.e.s de service social...). Cette collaboration nécessite connaissance et respect des missions et attributions de chacun.e permettant de renforcer et de récréer parfois des équipes pluri professionnelles étoffées dans les établissements.

Jean-François Carémel