La campagne présidentielle se déroule sous les inquiétants auspices d’une crise sanitaire qui dure, de la guerre en Ukraine et de la flambée du prix des carburants. Cette actualité plombante étouffe le débat démocratique au risque que les frustrations et les impatiences accumulées sur le terrain social ne trouvent aucun débouché. L’absence des enjeux sociaux dans l’élection ne peut que réjouir tous ceux qui se préparent à gouverner en reprenant à leur compte les politiques néolibérales mendepuis plus de trente ans et qui prétendent « réformer l’Etat » en sabordant les services publics. Sur le terrain de l’éducation, sans prendre l’engagement de rompre avec ce modèle, les successeurs de Macron et Blanquer se livreront aux mêmes recettes destructrices : libéralisation du système éducatif, autonomie des établissements au profit des managers, détricotage des statuts, encouragement à la contractualisation, gestion autoritaire de nos métiers, mise en oeuvre de rémunérations « au mérite », annualisation du temps de travail, etc.
Les médias auront peu éclairé l’opinion publique sur les enjeux des réformes en cours dans l’enseignement et leur portée. Le buzz autour des vacances du ministre à Ibiza en pleine vague Omicron, aura levé un coin du voile sur le manque de moyens et sur somépris envers les personnels et les élèves. Mais, passée la séquence d’un désaveu public au soir de la manifestation du 13 janvier par le Premier ministre, le voilà à nouveau droit dans ses bottes, fier d’avoir « tenu » cinq ans à la tête du Ministère. Pour comble, le bilan du quinquennat sur l’école sert même d’alibi social à Macron pour gauchiser son image : le dédoublement des classes de CP lui permet de cocher l’argumentaire de la lutte contre les inégalités et de passer sous silence les quelques 9 000 suppressions de postes du quinquennat.
Dans un tel contexte, les urnes ne pourront pas tout. Si la démocratie, c’est faire entendre sa voix, quel que soit le résultat de l’élection, il nous faudra la porter au-delà du 24 avril. Certes, il a été difficile ces dernières années de lutter syndicalement contre une déferlante de réformes, au collège puis au lycée et nous nous sommes trouvés face à des ministres qui ont refusé le dialogue social. Mais que se serait-il passé si le Snes-FSU, avec d’autres, n’avait pas alerté contre une réforme des retraites qui nous condamnait à une perte de plusieurs centaines d’euros sur nos futures pensions ?Où en serions-nous sans les mobilisations que nous avons initiées avant la crise sanitaire en mars 2020, et qui ont freiné le passage en force du gouvernement ?
Rattrapé ensuite par l’épidémie, le pouvoir n’a eu d’autres choix que de renoncer à son projet. La démocratie sociale est grosse encore de promesses d’émancipation et de rêves. Tous les sondages le disent, les français pensent que les services publics sont la base de notre contrat social et ils mettent leur défense au premier rang de leur préoccupation, pour l’éducation, la santé, l’énergie et demain, pour faire face aux défis environnementaux.
Plus que jamais, cette démocratie sociale doit continuer à vivre à la base, dans nos salles des
profs, dans nos mobilisations et dans les combats que nous construisons chaque jour face à notre administration. Et le syndicalisme reste l’outil nécessaire à la construction de ces solidarités.
Olivier Mathieu