23 décembre 2025

Les articles des Bulletins Académiques

BA340 - Auto-évaluation piège à...

Comme à chaque rentrée depuis que Blanquer a installé le Conseil d’Évaluation de l’École, issu de sa loi dite « pour une école de la confiance », 20% des collèges et des lycées vont être « auto-évalués » dans les mois qui viennent. La première étape dresse un diagnostic interne à l’établissement. Cette étape est suivie d’une évaluation externe menée par un aréopage d’IPR et de cheffes d’établissements ou de personnels du rectorat. Pour « finaliser le projet d’établissement » puis le contrat d’objectifs, sont formulées à la rectrice et à la collectivité territoriale des recommandations sur « les spécificités de l’établissement, les éléments de plus-value, les marges de progrès et les axes stratégiques ». En aucun cas, il ne faut en attendre une rallonge des moyens (« l’analyse est conduite dans le cadre des moyens octroyés à l’établissement par les autorités de rattachement »).

Masquer le désengagement de l’État et rendre responsables les personnels des échecs
L’objectif est de faire entrer dans les collèges et lycées la culture de l’évaluation et de faire intégrer l’idée que ce sont les personnels, et non les politiques éducatives nationales _ qui ont pourtant conduit à la suppression de 7890 postes dans l’EN depuis 2018 _ qui sont responsables de l’échec scolaire.

Fabriquer le consentement des équipes aux réformes
Le néolibéralisme à l’oeuvre dans les services publics ne se contente pas de considérer l’éducation comme un coût qu’il faudrait réduire. Il faut donc mettre en œuvre des dispositifs, des procédures, des modalités de fonctionnement adaptées aux restrictions budgétaires. Surtout, il faut obtenir des personnels qu’ils consentent à ces adaptations, voire à ce qu’ils y contribuent : cela explique que l’auto-évaluation des établissements se présente comme « participative », que des sondages individuels soient renseignés, que de multiples ateliers soient envisagés. En réalité cette auto-évaluation vise à organiser une subordination « douce » des personnels par des dispositifs pseudo « participatifs ».

Perdre de vue les réalités sociales
Ce postulat de l’efficacité locale repose aussi sur un implicite dont aucune étude scientifique n’a pourtant démontré la validité : il y aurait un « effet établissement » qui permettrait à un collège ou à un lycée, à partir de ses « caractéristiques » ou de son « identité » propre, d’améliorer les résultats des élèves et de dégager une « plus-value » pédagogique locale. En réalité, c’est bien l’origine sociale des élèves qui reste le facteur explicatif majeur de la réussite scolaire.

Mettre nos métiers sous le contrôle des cheffes d’établissement
La finalité de la procédure d’auto-évaluation est de légitimer le pilotage pédagogique par les cheffes d’établissement. C’est un moyen de les rendre plus fortes, d’en faire des supérieures hiérarchiques sur les questions pédagogiques, qui relevaient jusqu’à présent du corps d’inspection. Cela va dans le sens d’une caporalisation de l’Éducation nationale.

Remettre en cause l’Éducation « nationale »
Surtout l’auto-évaluation implique des contrats « locaux » qui s’opposent à une politique de l’éducation qui serait au contraire « nationale », garante d’une égalité réelle entre les élèves. On voit aisément le passage d’une obligation de moyens dans un cadre national à une obligation de résultats selon des objectifs locaux.

Le SNES-FSU s’est toujours opposé à cette démarche d’auto-évaluation et à sa devise néomanagériale implicite : « Faire mieux avec moins ». S’y soumettre, c’est accepter la dégradation des conditions d’apprentissage des jeunes et de travail des personnels.

Marine Molins et Jean-François Carémel