Disparition de Lucien Jadas

Texte de Michel MARY

Je t’ai rencontré, Lucien, il y a bientôt quarante ans : jeune secrétaire de S1 du SNES à Valenciennes, j’ai été marqué par ce responsable de la section de près de cent syndiqués du lycée Pierre Forest qui expliquait son engagement au service du syndicat, sans doute, mais surtout des personnels. Tu connaissais mieux le lycée que les directions, que tu désignais par le vocable « patron » - peut être une réminiscence de la « lutte des classes » - tu savais lier les intérêts des diverses parties de la cité scolaire. L’autorité ainsi acquise, tu la mettais au service de la défense des collègues, sans concessions, mais avec une volonté de dialogue pour obtenir les solutions les plus satisfaisantes.

Professeurs de sciences physiques, nous avons en maintes occasions discuté du rôle de nos disciplines pour donner aux jeunes une vision non dogmatique de la science, c’est le réel qui commande nos modèles, développer le sens critique est au cœur de notre démarche. Athée comme moi, tu rejettes les croyances sans pour autant refuser de se questionner sur le phénomène religieux. Nos idées, nos démarches se nourrissent de nos connaissances et ouvrent à nos engagements laïque et politique, elles fondent notre morale. Tu vois Lucien, je suis repassé au présent car tout ceci est vivant en nous.

Mais Lucien, c’est aussi le militant rencontré dans les congrès académiques et nationaux qui, rigoureux, refait les débats à table, voire la nuit lorsque l’on partage la même chambre, qui s’emporte devant une faute de syntaxe, qui défend avec vigueur les motions et les amendements et il était difficile de t’interrompre, car tu étais un orateur né, comme le montre notre dernière intervention sur la réversion de retraite il y a trois mois au congrès. Mais j’ose le dire un orateur élégant, les débats sont vifs mais il y a toujours l’élégance intellectuelle, fruit de la camaraderie, et puis il y a l’élégance physique, la chevelure et la tenue vestimentaire soignées, je pense le signe du respect que l’on doit aux autres.

Le respect de l’autre, la défense de l’humain guident tes engagements ; ils sont nôtres, merci camarade.

Michel Mary Secrétaire des retraités nord du SNES