Motion des représentants enseignants CA du 6 Février 2020
Tout d’abord, nous tenons à signaler qu’aujourd’hui encore l’intersyndicale FSU-CGT-FO-Solidaires mobilisait les salariés du public et du privé contre le projet de réforme de retraites par points. Je reviendrai plus tard sur ce projet de loi mais je tenais avant tout à dénoncer le fait qu’il nous a été refusé de reporter le conseil d’administration pourtant programmé un jour de mouvement social. Nous proposions de le décaler à demain, ce qui ne nous semblait pas déraisonnable. Nous avons essuyé un refus catégorique, ce refus de notre propre administration fait malheureusement écho à la surdité dont fait preuve le gouvernement quand il s’agit de dialogue social.
Sans doute avons-nous, comme beaucoup d’autres catégories de Français, décidément, mal compris ce qu’on nous disait, sans doute n’entendons-nous pas ce qui est bien pour nous ? Si nous perdons plus de 120 h, détruisons six postes, que nous ne pouvons plus proposer d’AP, ni certaines options, c’est évidemment parce que nous n’avons plus autant de besoins et qu’il faut les rendre ! Si la quasi-totalité des moyens des lycées généraux et technologiques sont en baisse et que 120 postes sont supprimés dans l’académie, c’est uniquement parce qu’on avait surévalué les effectifs, une erreur de 800 élèves, après tout, peut se produire. Non, cela n’a rien à voir avec la réforme, sa grille horaire allégée et l’abandon d’une spécialité en terminale. Évidemment non. La Rectrice nous l’a confirmé cette semaine dans un article paru dans la Voix du Nord ! Enfin, pourquoi ne pas voir comme une simple coïncidence la même sur-dotation l’année précédant la réforme du collège ? Là encore, on peut se tromper dans les effectifs. La démographie est décidément très fluctuante certaines années, et parfois beaucoup plus prévisible.
Sans doute davantage de pédagogie à l’avenir nous permettra d’accepter que de très nombreux collègues chaque année aillent rejoindre les bancs des oubliés… Ces invisibles TZR (titulaire en zone de remplacement), ces BMP (bloc de moyens provisoires) qui font de brèves apparitions dans les couloirs de deux, trois voire quatre établissements sont les profs de demain ! Nous sommes trop conservateurs pour ne pas reconnaître les qualités indéniables de cet enseignant du XXIe siècle plus flexible, plus en mouvement, plus « en marche » ! Nous devons donc nous réjouir que certains d’entre nous cette année soient les heureux élus de cette nouvelle caste. Le rythme de formation à ce nouveau métier s’accélère et c’est une bonne nouvelle car, désormais, les collègues entrant dans le métier se voient directement proposer trois établissements. Plus besoin d’attendre une mesure de carte scolaire ! Nous tenons à saluer notre collègue d’histoire-géographie vivant cette situation enviable et à porter à la connaissance des membres du CA, qu’elle est actuellement en arrêt maladie au point d’envisager de démissioner. Nous avons aussi une pensée pour notre jeune collègue de Français exerçant en BTS à Baggio, dans un collège et dans le milieu hospitalier. Quelle belle entrée dans le métier ! Fait étrange à également vous signaler, les enseignants du prestigieux lycée Louis-le-Grand en grève reconductible depuis plusieurs jours font la même analyse erronée du métier et de la réforme que nous, dans une tribune publiée par le journal le Monde. Leur niveau d’excellence doit irréfutablement les aveugler, ils font fausse route quand ils disent que « l’organisation par enseignements de spécialité (…)fragilise l’entrée dans le supérieur, que l’abandon avant la fin de la classe de première d’une des trois spécialités, étudiée à peine un an, entraîne un appauvrissement de la formation des élèves, notamment en sciences, et pose problème pour de nombreuses orientations. Le « métier d’enseignant du XXIe siècle » ne signifie pas « avant tout une augmentation du nombre d’élèves dans nos classes et de la charge de travail », bien sûr que non !... Les conditions pédagogiques s’améliorent notablement et les élèves de ce pays, surtout les premières passant les E3C, l’ont bien compris ! Tout est fait pour simplifier, rassurer, préparer en toute sérénité ? « Sé-ré-ni-té », c’est d’ailleurs le mot employé, il y a quelques jours, par M. Blanquer pour rappeler que « dans l’immense majorité des cas, cela se passe en toute sérénité. » Les perturbations ne concernent « que 10 % des lycées » donc quand le syndicat majoritaire des personnels de directions, le SNPDEN, affirment que 10% des lycées ont dû reporter une ou plusieurs épreuves en raison des mouvements, et que 20% les ont fait passer en rencontrant de sérieuses difficultés (manque de surveillants, tentatives de blocage, d’intrusions…), là encore une mauvaise lecture de chiffres a dû biaiser l’analyse de ces chefs d’établissement.
Quand Rodrigo Arenas, co-président de la FCPE, déclare dans le JDD : « Il y a des maltraitances d’enfants » et dénonce "la présence de policiers dans certains établissements, l’utilisation de gaz lacrymogène à certains endroits, des élèves placés en garde à vue, des lycées où l’on éteint les alarmes incendies », il est urgent de lever tout malentendu ! La répression policière a des vertus pédagogiques insoupçonnées, si on bouscule vos enfants, c’est pour mieux les préparer à leur avenir. Après tout, une garde à vue, ça donne le temps de réfléchir, ça apprend la patience et l’humilité. Mais ne parlons plus de ces situations que certains considèreront comme extrêmes, rares et sans lien aucun avec la vie de notre lycée. N’allons même pas jusqu’à tirer profit des lettres et témoignages de lycéennes et lycéens d’autres académies. Non, revenons à nos élèves, chers collègues, et à vos enfants, chers parents. Etes-vous demeurés proches d’eux durant cette période ? Les écoutez-vous quand ils déplorent la surcharge de travail durant cette période, l’aberration de situations qu’ils ont bien vécues, le manque de sens de ces épreuves sans que celles qui les attendent l’an prochain soient encore toutes clarifiées comme ce fameux et novateur grand oral ? Les regardez-vous vraiment ? Avez-vous conscience qu’au lycée César Baggio, ils NOUS ont tous fait –aveuglément - confiance et se sont pliés aux conditions d’examen que nous leur avons réservées ? Ne les voyez-vous pas, ne les entendez-vous pas ? Troublés, agités, découragés, exténués, angoissés, ils bénéficient pleinement de tous ces changements successifs que leur réserve le système scolaire depuis quelques années tandis que nous les méprisons sous couvert de respecter l’esprit d’une réforme nécessaire dont personne, parmi les décideurs et les exécutants n’a malheureusement profité ! Tant d’adultes se plaignent sans agir tandis que nos lycéens doivent agir sans se plaindre.
Enfin, si le conseil d’Etat ruine la validité juridique du projet de réforme, qualifie de malhonnête et infirme la faisabilité d’une revalorisation des salaires enseignants, c’est certainement parce que ses membres ont mal lu, eux aussi ! Si l’âge pivot a disparu de cette étude et est pourtant inscrit comme variable d’ajustement dans le projet de loi, c’est certainement parce que, d’ici là, les salariés verront leur espérance de vie s’améliorer tout comme leur santé ! Si l’allongement de la durée des cotisations nécessaires s’accompagne d’une nette baisse du niveau des pensions, c’est bel et bien parce que nos besoins seront moindres. Si le régime dit « universel » peut se contenter d’un faible pourcentage de cotisation des hauts salaires, et que ces derniers sont exclus du système à points, c’est parce qu’ils ont bien mieux à faire ! Capitaliser pour accroître la richesse des banques et des assurances dépasse, et de loin, les vieux principes moyenâgeux que sont la distributivité et la solidarité ! Allons soyons raisonnables, soyons disruptifs et surtout constructifs ! Ayons confiance tout simplement. Il faut juste poser un autre regard sur les choses et la vérité nous apparaîtra enfin ! C’est tout simple, tout s’éclaire, si les avocats jettent leur robe, si les soignants jettent leurs blouses, ce n’est pas pour dénoncer la réforme des retraites ou encore la dégradation de moyens dans les hôpitaux publics, non, c’est parce que tout bêtement ils ont pris conscience du réchauffement climatique !
Tout va bien dans le meilleur des mondes ! Méditons ces propos d’Aldous Huxley :
« Les plus grands triomphes, en matière de propagande, ont été accomplis, non pas en faisant quelque chose, mais en s’abstenant de faire. Grande est la vérité, mais plus grand encore, du point de vue pratique, est le silence au sujet de la vérité. »