Scandaleux !

Voilà ce qu’on peut lire sur une fiche descriptive d’un établissement ECLAIR, le collège Paul Langevin à Boulogne, annonce passée subrepticement sur le site du rectorat de Lille et sur le site du ministère (dans la Bourse Interministérielle) :

« Collège de quartier, dont les familles sont à près de 83% de PCS défavorisées, frappées par le chômage, peu capables de suivre l’éducation de leur(s) enfant(s). Carence éducative, culturelle, laxisme, elles ne véhiculent pas les valeurs de respect du travail, de l’effort et couvrent souvent les absences ou les incivilités de leurs enfants. Les résultats des élèves sont souvent faibles et l’orientation manque d’ambition. Les parents ne voient souvent pas l’intérêt de travailler à l’école et de s’engager dans des études. »

Le SNES relève avec effroi aujourd’hui comme au CAEN du 23 février que ceux qui sont censés représenter l’Etat républicain au niveau local, académique ou national ont pu écrire et laisser publier de tels propos. Il aura fallu attendre plus de 10 jours et la publication dans la presse pour que le rectorat pourtant alerté par nos soins le 23 février daigne retirer cette fiche indigne. 

Une nouvelle fois, ce sont les familles qui sont stigmatisées, rendues responsables de l’échec scolaire de leurs enfants, sans que le contexte économique et social de la région, les réformes visant à diminuer le nombre d’heures de cours, les suppressions de postes et de moyens dans l’Éducation Nationale ou encore la mise en place du socle commun et d’une école à plusieurs vitesses… ne soient à aucun moment incriminés ou simplement évoqués.

Il y a quelques temps, une banderole déployée par les supporters d’un club de foot avait suscité une indignation nationale, elle tenait des propos moins policés à l’encontre de la population du Nord Pas de Calais, mais dans le fond pas si éloignés de ceux contenus dans ce document officiel.

Cette fiche a été dénoncée par la FSU au CAEN le 23 février. Mme le Recteur en a seulement critiqué la forme (formulation « maladroite » , mais a-t-elle complété « à usage interne »). Les dépêches de presse publiées le 8 mars montrent que l’accès à cette fiche était bien public et l’absence de réaction de la rectrice ajoute au mépris et à la condescendance.

Paniqué par les révélations faites dans la presse, le rectorat a décidé d’enlever tous les descriptifs des établissements ÉCLAIR. Ce qui ne constitue en rien une condamnation ferme et officielle, mais répond à une volonté d’étouffer cette affaire parce qu’elle arrive au grand jour.


Le SNES estime que cet incident permet de révéler la réelle conception de l’éducation prônée par le ministère à travers le dispositif « ÉCLAIR »
. Conception qu’il a toujours dénoncée : mise en place d’une école spécifique pour les élèves issus des milieux les plus défavorisés que l’on peut assimiler à une volonté d’exclusion et une condamnation morale des « pauvres » dignes des grandes heures de la littérature victorienne ou (au choix) de la prose patronale du début du siècle dernier.


Le SNES exige une condamnation officielle de ces propos ainsi que de tous ceux qui pourraient les reproduire. Il en appelle également aux élus et aux associations de parents pour qu’ils s’associent à cette démarche.