Ces derniers jours, forums de discussion et autres réseaux sociaux se sont faits l’écho de la mésaventure vécue par un collègue en poste dans le Nord, particulièrement investi dans le « numérique éducatif ». Si investi que l’Académie de Lille a récemment accepté son détachement au sein de Canopé, version refondée de feu le Scéren (CNDP-CRDP-CDDP).
Si investi que ladite Académie, via sa DANE (Délégation Académique au Numérique pour l’Education), n’a pas apprécié le caractère critique et distancié d’un billet publié le 21 octobre sur son blog, et intitulé « de l’incertitude 2.0 » [reproduit ici : http://www.disons.fr/?p=48814], où notre collègue –sur un ton pourtant mesuré- exprime ses doutes sur la pertinence pédagogique du « tout numérique », pour affirmer que : « Là où on impose du numérique, c’est de la pédagogie qu’il faut prodiguer ». Une évidence, mais il n’en fallait pas plus pour que la menace d’un blâme soit brandie, contraignant l’auteur à l’autocensure, et même à la fermeture pure et simple de son blog …
La section académique dénonce les pressions que ce collègue a subi, tout en rappelant, au-delà de cet exemple aujourd’hui mis en lumière par les médias nationaux, que l’intimidation, le chantage et les vexations diverses sont le lot quotidien de nombreux collègues dans leur établissement. C’est bien dans l’ombre que sévit un management sournois et étouffant, qui nie liberté d’opinion, d’expression, droit de réunion, et voudrait faire des cadres enseignants de simples opérateurs dont on n’attend que l’exécution des injonctions venues d’en haut.
C’est à cette conception dégradée du métier et à ces atteintes aux droits et libertés de la profession que s’oppose le Snes, et qui lui valent d’être constamment sollicité dans les collèges et lycées, loin des feux de l’actualité et des tentatives de récupération d’organisations syndicales, qui préfèrent habituellement le compromis –voire la compromission- à la défense des personnels contre l’autorité hiérarchique, la « loyauté » à la lutte.
Pour la section académique, cet épisode se produit au moment où le gouvernement renonce (s’il y a songé) à une réelle refondation progressiste du système scolaire, et ne vise plus –sur fond de mesures libérales assumées- qu’à dissimuler les carences en personnels sous le « vernis numérique » qu’évoque l’auteur du blog incriminé. Ce « renoncement » permet de mieux comprendre le volontarisme de l’Etat en matière de numérique, décliné dans un nouveau « grand plan numérique » à l’échelle nationale, et à l’échelle académique dans le déploiement de l’ENT Savoirs Numériques 59-62 (imposé aux personnels par les collectivités).
Un renoncement qui explique également le refus de la critique sur la stratégie du tout numérique, dernière vitrine présentable d’une politique éducative qui met en avant l’outil plutôt que l’humain et, dans le même temps, promeut une vision rance d’enseignants exécutants là où le SNES-FSU défend le rôle de concepteurs pour des fonctionnaires serviteurs d’une République émancipatrice.
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