30 mai 2020

Dossiers

Avant (et après) la réouverture : la question du « présentiel » et du « distanciel » est tranchée

Est-il possible de demander aux collègues de cumuler présentiel et distanciel une fois mon établissement rouvert ? Notre chef d’établissement nous dit que si notre service en présentiel n’est pas complet, nous devons le compléter en distanciel, en citant un texte officiel ...
NON.
Dans la perspective du déconfinement et de la réouverture prévue des établissements scolaires, JM Blanquer avait lui-même reconnu qu’il était exclu de cumuler présentiel et distanciel, dans la vidéo diffusée le 1er mai (« rendez-vous des parents »)

« un professeur est forcément dans une des deux situations mais pas les deux à la fois, soit il est en présence des élèves, soit il est chez lui, ou chez elle, à domicile, en situation de travailler à distance avec les élèves. Cela ne peut pas être les deux à la fois, et cela sera dit très clairement dans les documents de préparation de reprise des cours ».
D’ailleurs, cette impossibilité de cumuler a été confirmée par la circulaire de réouverture du 4-5-2020 :


 > la première phrase concerne les agents disponibles pour le retour sur site, qui peuvent assurer un service complet devant élèves.
 > la seconde phrase concerne les agents non disponibles qui peuvent recourir au travail à distance.
Ainsi,
 la circulaire ne donne aucune consigne pour les collègues qui sont disponibles et ne pourraient assurer un service complet devant élèves. On ne peut donc l’invoquer pour imposer un « enseignement à distance » puisqu’elle ne le dit pas.
 pour ces collègues « entre-deux », dont le maximum de service n’est pas atteint, et pour lesquels les modalités de travail à distance relèvent de leur autonomie professionnelle, le chef d’établissement doit se borner à mettre en oeuvre les choix pédagogiques : accès au réseau, coordination, etc.
D’ailleurs, le ministre lui même a rappelé, lors des annonces du 28 mai (en vidéo ICI), que l’instruction était obligatoire, et que l’on devait « soit aller à l’école, soit être dans un lien avec l’école à distance », ce qui correspond à la circulaire, et signifie que l’ensemble des établissements rouvrant en zone verte, les élèves avaient vocation à y retourner.
Et ceci y compris en lycée, où le ministre évoque des « entretiens individuels » qui amèneraient, même ponctuellement, les élèves à retourner dans l’établissement au nom de ce « lien ».
Personne n’est dupe sur l’affichage du ministre, mais sur le fond, ses propos confirme l’impossibilité d’exiger le cumul présentiel / distanciel.

- Dans mon établissement, un seul niveau est appelé à reprendre à partir du 2 juin, alors que j’enseigne aussi sur d’autres niveaux que peut-on m’imposer ?
Pour le ou les niveaux et classes qui seront accueillies dans l’établissement, même si les élèves ne peuvent bénéficier de leur horaire habituel en raison de la pandémie, tu n’es tenu.e qu’à prendre en charge tes classes, mêmes largement incomplètes, conformément au nombre d’heures et aux classes qui figurent sur ta VS.
Tu n’es tenu.e qu’à la tenue du cahier de texte dès lors que les cours auront repris, pour les classes prises en charge « en présentiel ».
Pour les niveaux et classes qui ne seraient pas accueillies, bien que ton emploi du temps ne soit pas « complet », on ne peut rien t’imposer. D’une part, parce que le chef de service ne peut qu’organiser notre service en présentiel, conformément au décret du 20 août 2014. Le distanciel ne fait pas partie de nos missions, nous ne l’assurons que par conscience professionnelle. D’autre part parce qu’il n’existe pas de « minimum de service ».

En collège, tous les niveaux seront finalement accueillis, mais beaucoup d’élèves manqueront à l’appel : que faire ?
Les annonces gouvernementales ont surpris les équipes : la rentrée ne sera pas progressive avec un accueil des 6es/5es dans un premier temps, ce qui témoigne encore une fois du mépris du travail accompli sur le terrain.
Mais dans ces conditions, l’ensemble des niveaux et classes étant désormais attendus, avec des collèges totalement rouverts, même si les capacités d’accueil seront limitées, le travail à distance ne concernent plus que les collègues indisponibles à la reprise (collègues vulnérables, vivant au domicile de personnes vulnérables, ou qui doivent garder leurs enfants et qui ne seraient pas en ASA).
L’enseignement à distance ne peut donc être demandé, notamment si l’organisation pédagogique prévoit le travail par classe, et même si ce sont des regroupements qui sont organisés : dans ce dernier cas, chaque collègue fera au mieux, compte-tenu de sa charge de travail en présence d’élèves, pour maintenir le lien avec les absent.e.s.

- Dans mon établissement, le chef prévoit d’élaborer des emplois du temps qui intègrent des heures de présence dans l’établissement et des heures consacrées au « distanciel » : est-ce de sa compétence ?
En tant que chef de service, le chef d’établissement organise effectivement le service des collègues, mais il doit le faire en respectant :
 son caractère hebdomadaire, et non annualisé (pas de rattrapage, de réserves d’heures que l’on devrait « plus tard »).
 le maximum horaire statutaire : 15 ou 18h au titre d’un service d’enseignement assuré « dans un établissement public d’enseignement du second degré ». Il n’y a pas de « minimum de service », et l’on peut donc se voir attribuer un service effectif en deçà du maximum, sans modification du traitement, et sans ce que cela crée des obligations particulières en termes de suivi à distance, par exemple.
 la discipline de recrutement : l’administration ne peut vous imposer d’intervenir dans une discipline qui n’est pas la vôtre ou dans un dispositif type devoirs faits, qui ne repose que sur le volontariat des personnels.
 en référence avec la ventilation de service (« VS ») signée en début d’année scolaire : le respect des classes, groupes et niveaux d’enseignement attribués peut être utilement invoqué pour contester une organisation des services qui romprait avec la continuité pédagogique construite en présentiel aux 2 premiers trimestres, et poursuivie, comme on peut, pendant le confinement avec les mêmes élèves.
 le volume horaire élèves des enseignements au collège : https://www.education.gouv.fr/les-horaires-par-cycle-au-college-9884. Chaque élève de collège doit avoir ses 26h répartis de la sorte. Dans le contexte actuel, atteindre les 26h risque d’être compliqué mais il n’est pas pour autant possible d’accepter des emplois du temps où ce volume horaire par discipline serait supérieur au cadre réglementaire.

Mon chef d’établissement prévoit l’installation de caméra dans les salles d’enseignement afin que les élèves absents puissent suivre les cours à distance : en a-t-il le droit ?
Non : aucun.e enseignant.e ne peut se voir contraindre à la diffusion vidéo de son cours : le volontariat est impératif, mais pas suffisant :
 La « classe filmée » suppose aussi la mise en oeuvre du cadre légal « RGPD » et le respect du traitement des des données à caractère personnel (DCP).
 Même si l’objectif n’est pas la vidéosurveillance, les règles de la CNIL s’appliquent : https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/_videosurveillance_etablissements_scolaires.pdf
 En outre, si la vidéoconférence est seulement captée en direct par les différents participants (les élèves), la diffusion sur internet suppose de la part du ou des collègues l’exercice de leur droit de représentation (art. L 122-2 du Code de la Propriété Intellectuelle). Cela signifie qu’ils doivent préalablement
autoriser la diffusion.
 Enfin, cette installation relève aussi de la compétence du conseil d’administration (Article R421-20
du Code de l’Education
)
7° Il délibère sur :
a) Toute question dont il a à connaître en vertu des lois et règlements en vigueur ainsi que celles ayant trait à l’information des membres de la communauté éducative et à la création de groupes de travail au sein de l’établissement ;