La situation actuelle qui a conduit le ministre à faire le choix de faire reposer le baccalauréat 2020 quasi-exclusivement sur le contrôle continu, pose évidemment des problèmes nombreux – notamment un problème de « justice » pour les élèves, puisque les « règles du jeu » ont été changées « pendant le jeu ».

Dans les semaines à venir, un enjeu crucial sera celui de la nature et de l’étendue des notes prises en compte pour calculer le « résultat » de l’examen pour chaque élève  :

 tenir compte uniquement des moyennes des deux premiers trimestres, c’est s’interdire de prendre en compte la progression totale de l’élève au cours de l’année, jusqu’à la veille de l’examen (ce qui rappelle d’ailleurs une des nombreuses limites du contrôle continu, et un des intérêts d’un examen fondé sur une épreuve finale) ;

 mais tenter d’avoir des notes et une moyenne pour le « troisième trimestre », dans le contexte actuel, particulièrement incertain, pose également de nombreux problèmes :
*à supposer que la reprise se fasse réellement à partir du 18 mai (pour les 1res et terminales), en demi-groupes alternés (une semaine sur deux, un jour sur deux...) : comment faire un nombre sérieux d’évaluations au cours des semaines restantes de ce « trimestre » ? Il y aura au mieux 6 semaines complètes de « présence », donc à peine 3 semaines de « cours »-et beaucoup moins en Français en 1re si le ministère s’obstine à vouloir maintenir des oraux : comment faire au moins deux, voire trois évaluations, pour obtenir une moyenne sérieuse, dans ce contexte ? Et beaucoup moins en français
en 1re si le ministère s’obstine à vouloir maintenir des oraux.
*on annonce une reprise fondée sur le « volontariat » des parents, et différenciée « selon les territoires » : à supposer qu’on fasse des évaluations au cours des quelques semaines qui viennent, tous les élèves ne seront donc pas traités de la même manière. Certains pourront faire des devoirs, d’autres non ; certains auront des « devoirs en classe », d’autres seulement des « devoirs à la maison » ; les conditions d’évaluation vont donc changer à la fois d’un lycée à l’autre et au sein d’une même classe : quelle légitimité pour des notes censées compter pour le bac ? Il y a là, à coup sûr, une rupture complète d’égalité entre les candidats.

Il n’y a donc pas de solution simple. Mais ce qui est certain, c’est qu’un des nombreux défauts du contrôle continu comme fondement de l’examen, ce sont les risques de pression plus ou moins fortes sur les enseignant.e.s. Pressions des élèves et de leurs parents, mais aussi pression en provenance de la hiérarchie. On peut ainsi craindre des pressions, soit pour avoir « à tout prix » une moyenne au « troisième trimestre », soit, pire encore, pour « bidouiller » les moyennes des deux premiers trimestres afin de modifier le résultat final...

Dans l’éventualité à la fois de reprise effective des « cours », et de pressions subies sur l’évaluation, on peut rappeler quelques lignes d’action :

 D’abord, si l’évaluation fait partie des missions des enseignant.e.s, elle relève aussi de leur liberté pédagogique : ni les usagers, ni la hiérarchie, ne peuvent exiger un nombre donné d’évaluations, ou faire pression sur la nature de ces évaluations ;

 Concernant d’éventuelles évaluations au « troisième trimestre », il faut essayer d’adopter une position collective pour l’ensemble de l’établissement. Cela doit à la fois permettre de pointer les problèmes éthiques liés à la rupture d’égalité entre candidats (puisque le risque est que tous les établissements ne procèdent pas de manière identique), et de réagir plus sereinement, et avec plus de force, face aux éventuelles pressions ;

 Rassurer les élèves et leur famille : on pourra rappeler que les élèves dont la moyenne est comprise entre 8 et 10 pourront passer des épreuves orales de rattrapage ; que les élèves qui ont moins de 8 pourront passer à la session de septembre ; qu’un jury académique étudiera chaque dossier avec bienveillance, notamment quand l’élève a une moyenne proche d’un seuil important (8, 10, 12, 14, 16).

 Refuser fermement tout « bidouillage » des moyennes des deux premiers trimestres – et faire remonter immédiatement au S3 les éventuelles pressions allant dans ce sens.
Tout cela vaut pour les classes de Terminales.

En ce qui concerne les 1res qui passent leurs épreuves finales de la session 2021, la question du contrôle continu risque également d’être l’objet de pression.
* Les E3C2 sont « neutralisées » pour l’HG, les LV et les maths ; elles n’auront pas lieu et ne seront pas reportées ; pour ces disciplines, les notes d’épreuves communes de contrôle continu seront fondées sur la moyenne des E3C1 (quand elles ont eu lieu...) et des E3C3 (si elles ont lieu, l’an prochain). Il n’y a donc là, en particulier, aucune nécessité de rajouter des notes dans le pseudo-trimestre qui vient, s’il a lieu.
* Pour la spécialité abandonnée en 1re et enseignement scientifique : ces disciplines devaient être évaluées lors des E3C2 (à supposer qu’elles aient eu lieu, même en contexte « normal »). Elles sont remplacées par la moyenne inscrite au livret.

Là encore, les remarques sur le nombre d’évaluations et la rupture d’égalité s’appliquent comme pour la session 2020.