4 janvier 2008

Les personnels

Enseignements technologique et professionnel : compte-rendu de l’audience avec le Recteur

Contexte : Le 29 octobre, Darcos, sans aucune concertation avec les différents syndicats, envoie un courrier aux recteurs indiquant une généralisation des bac pro en 3 ans, dès la rentrée 2008 [voir documents joints plus bas]. C’est la poursuite d’une expérimentation menée depuis 2001.

Face à la mobilisation dans plusieurs académies, Darcos fait un léger recul. Le 18 décembre, certains syndicats (SNETAA, SGEN-CFDT, SE-UNSA, SNALC-CSEN) ont signé un protocole de discussion [voir docs joints plus bas].

Ce protocole maintient l’objectif de la généralisation du bac pro en 3 ans. Il indique clairement que cette réforme sera mise en place à la rentrée 2009. L’année 2008 ne servira qu’à une consultation sur les modalités d’application et sur la poursuite de l’expérimentation.

En quoi ce que nous dénonçons dans cette réforme sera différent dans un an ?

Il n’est pas envisagé de faire un bilan à l’issue de cette nouvelle expérimentation. Et pourtant le rapport des IG publié en 2005 [voir documents joints plus bas], est très défavorable à la généralisation du bac pro en 3 ans.

Ce protocole indique que la création des bac pro a permis un taux d’accès au niveau 4 plus important.

Oui, mais dans le même temps, la poursuite d’études vers le niveau 3 a probablement diminué, car avant le bac pro, les élèves ayant un BEP rejoignaient la voie technologique et pouvaient ensuite poursuivre des études supérieures courtes. Entre 2002-2003 et 2007-2008, le pourcentage d’élèves ayant un BEP, orienté en 1re d’adaptation est passé de 13,3% à 9,4%. Dans le même temps le pourcentage d’élèves continuant en bac pro a augmenté de 1%. La réorientation vers les CAP a également augmenté, ainsi que les sorties vers la vie active. La chute des effectifs dans la voie technologique a bien pour principale origine sa mise en concurrence avec la voie professionnelle.

Le protocole prévoit également de renforcer les capacités d’insertion au niveau 5 (CAP-BEP).

Actuellement les sorties en cours de formation sont de 15% en BEP et de 20% en bac pro. En supprimant une année de formation, il est fort à parier que le nombre de réorientations vers un CAP va augmenter à l’issue de la 2d bac pro. Les élèves ayant probablement des difficultés scolaires lorsqu’ils sont orientés vers la voie professionnelle vont être pénalisés par la suppression d’une année de formation.
Enfin, le bac pro 3 ans a comme ambition de favoriser la réussite des bac pro dans l’enseignement supérieur. Actuellement, 20% des bac pro poursuivent des études supérieures courtes et 30% obtiennent leur diplôme. Au total c’est uniquement 7% de l’ensemble des bac pro qui arrive à obtenir un Bac +2.
En revanche, 82% des bac techno poursuivent jusqu’à un niveau bac+2 et 54% obtiennent le diplôme. C’est donc 44,6% des bac techno qui sont titulaires d’un diplôme bac+2.
Pour terminer avec les chiffres, la poursuite d’études au-delà du niveau 3 est de 6% chez les bac pro et de 14% pour les bac techno.

Dans ce cas, comment arriver à favoriser la poursuite d’études ? En élevant le niveau de formation des bac pro ? Dans ce cas on augmentera les réorientations vers des niveaux 5. Ou alors en diminuant les exigences du BTS ? Qui seront les gagnants ? Les industriels accepteront-ils des BTS n’ayant plus les mêmes compétences, et dans l’affirmative à quel prix ?

Avec cette perspective du bac pro 3 ans, comment justifier à terme la voie technologique ? Même niveau de recrutement, même durée d’études, même possibilité de poursuite d’études. La voie technologique qui souffre cruellement depuis plusieurs années ne pourra que disparaître et se fondre dans la voie professionnelle.

Il faut donc continuer à demander la suppression de cette réforme, demander la mise en place de véritables passerelles entre les différentes voies, obtenir de véritables réformes de la voie technologique pour la démarquer de la voie professionnelle et de montrer sa spécificité.

Audience avec le Recteur suite à la manifestation du 20 décembre. Organisations syndicales reçues : FSU, SNETAA, CGT, FO et CNT.

Déclarations préalables des organisations syndicales :

La CGT a dans un premier temps rappelé les motifs de la manifestation et du mouvement de grève, principalement le scepticisme concernant le niveau des élèves en fin de bac pro 3ans, qui devrait être soi disant meilleur avec une année de formation en moins. Elle met en avant le rapport de Didier Prat de septembre 2005, sur l’expérimentation d’une formation au bac pro en 3 ans, menée depuis la rentrée 2001 (rapport d’observation sur l’expérimentation des bac pro 3 ans, largement négatif dans ces conclusions).

La FSU est intervenue sur l’impact de cette réforme sur la voie technologique et les BTS. Nous avons expliqué l’importance des passerelles BEP vers la voie technologique, par les premières d’adaptation (qui sont devenues marginales car bien souvent les élèves sont dans les mêmes classes que les autres) et qu’il faudrait également une passerelle entre les bac pro et les BTS. Si la volonté est de faire entrer plus de bac pro en BTS, il faut s’assurer que tous ont de réelles chances de parvenir à l’examen et de le réussir. Nous sommes revenus sur les pourcentages de réussite des bac pro en BTS (7% en industriel), si l’on tient compte des sorties en cours de formation.

La CNT est intervenue sur les suppressions de postes que cette réforme va entraîner. Une année de formation en moins va à terme provoquer une diminution d’environ 25% des postes. L’avenir des diplômes nationaux est également un enjeu important, car les diplômes « entreprises » ou « maisons » ne sont pas garants d’une mobilité.

Le SNETAA a évoqué les chiffres d’orientation des collégiens de 3e, qui se dirigent à 46% dans la voie professionnelle (CAP et BEP). La poursuite d’études à l’issue du BEP est d’environ 40% vers le bac pro et 10 % vers la voie technologique. Il demande également de vraies passerelles. (Le Recteur a rappelé au SNETAA qu’il avait signé le protocole avec le ministre !!).

En dernier, FO indique qu’il est entièrement d’accord avec les différents points énoncés par les autres organisations syndicales. Il termine ce tour de table en insistant sur le fait que le système actuel par sa diversité donne de la souplesse, et ne place pas tous les élèves dans le même moule. Certains ont besoin de plus de temps pour réussir.

Sur ces différents points, le Recteur a indiqué que la situation actuelle n’était pas acceptable, car :

 Les collégiens entrent en BEP sur leurs 2e ou 3e voeux.

 Certains BEP et bac pro sont très proches au niveau des contenus.

 Les sorties en cours de formation sont très importantes.

 Si la poursuite d’études vers le bac pro n’est pas plus importante, la faute en est à la nécessité d’avoir le BEP pour continuer. Cette condition est, pour lui, un frein !!
De plus, le recteur émet des réserves sur le rapport d’observation de Didier Prat (IG de STI). Il indique que les IG de STI sont opposés aux bac pro 3ans. Pour lui, les conditions n’étaient pas réunies pour la réussite de l’expérimentation (sans qu’il n’argumente à ce sujet).

Il y a actuellement 8 bac pro 3 ans, et cette expérimentation aurait permis d’éviter la fermeture d’une filière.

Il termine en indiquant que le protocole, signé par certaines organisations syndicales, va permettre de repenser le cursus de la voie professionnelle, sans brader le bac pro. L’année 2008 servira à revoir les référentiels, avec les industriels, en CPC.

La FSU est revenue sur les sorties en cours de formation, très importantes en 1re année de BEP (15%) et 1re bac pro (20%). Diminuer d’une année risque d’augmenter ces sorties.

Le recteur ajoute qu’il y a également un décrochage important en 1re année de CAP (24%). Il y aura possibilités de réorientation à la fin de la 2d bac pro vers ces CAP. Pour éviter les sorties sans formations, le recteur indique qu’il faut reprofessionnaliser le CAP, en créant des modules et une formation par unités capitalisables. Il faut travailler en relation avec les entreprises pour adapter les contenus avec les besoins. Ce sont les entreprises qui recrutent au final.

(Commentaire : On a l’impression d’une volonté du gouvernement via cette réforme de bac pro en 3 ans, de créer un pourcentage non négligeable de la population avec un niveau d’études le plus bas possible, ou sans qualification).

CGT : revient sur le protocole et indique qu’il ne remet pas en question la généralisation à terme des bac pro en 3 ans.

Recteur : Le protocole indique les pistes de réflexions. Des exemples de réussite en bac pro 3 ans existent, comme celui en CPI (conception de produits industriels). Il y a également des expérimentations concluantes dans l’académie de Créteil de de Versailles.

FSU : Le protocole parle d’une consultation sur les modalités d’application. Va-t-elle consister à une analyse de l’existant ?

Recteur : Même si le ministre n’avait pas annoncé cette réforme le recteur voulait étendre l’expérimentation. Actuellement il y a 8 sections en 3 ans. il désire les doubler. Le choix se fera dans des secteurs où les équipes ont proposé d’intégrer l’expérimentation. Rien ne sera imposé en 2008.

CNT : Les bacs pro en 3 ans seront donc généralisés à terme.

Recteur : il revient sur la barrière du BEP. En post Bac, il n’est pas impossible de penser à des BTS réservés aux bac pro. Pour lui certains bac pro sont trop généralistes. Au final, pourquoi ne pas adapter le BTS aux compétences finales d’un bac pro, quitte à baisser le niveau, si la finalité est de sauver des filières (ex : productique)

SNETAA : Revient sur les modalités d’application à la rentrée. Qu’adviendra t il d’un élève qui vient d’avoir son BEP, s’il y a mise en place du bac pro 3 ans.

Recteur : Il y aura forcément des classes bac pro 2 ans et 3 ans (pas forcément dans le même établissement si j’ai bien compris, mais le recteur est resté un peu évasif).

CNT : indique de nouveau que cette réforme a comme finalité la suppression de postes d’enseignants, soit environ 25% si on supprime une année de formation.

Recteur : Dément cette affirmation. Dans certains bassins (sans citer lesquels), il n’y a pas de bac pro à l’issue du BEP dans le même établissement. Les élèves ne veulent pas faire 15 km pour suivre la formation dans un autre établissement. Ce bac pro en 3 ans va mécaniquement permettre l’ouverture de nouvelles sections et donc permettre d’augmenter le nombre d’enseignants dans l’établissement.

FSU : Cette réforme aura une influence sur la voie technologique Comment pourra-t-on justifier 2 voies offrant sensiblement les mêmes débouchés : la poursuite d’étude dans le supérieur court.

Recteur : A priori, aucun impact. Même s’il faut réfléchir à l’articulation voie professionnelle-voie technologique pour certaines formations délaissées par les élèves, comme la productique. Il rappelle que si la réforme du bac STI avait eu lieu, certaines formations STI auraient été transformées uniquement en voie professionnelle comme l’automobile.
Il indique que nous aurons encore l’occasion d’échanger sur ce sujet lors des CTPA, par exemple.

Fin de l’audience vers 17h10.

Compte-rendu par Francis LECHER


Documents complémentaires :

Note de Darcos du 29/10/2007 annonçant les bac pro en 3 ans

Note de Darcos du 18/12/2007 annonçant que l’année 2008 serait expérimentale

Texte du protocole du 18/12/2007

Rapport de l’IG sur le bac pro en 3 ans