12 janvier 2020

Dossiers

« Much ado about nothing ! » : beaucoup de bruit pour rien !

« Much ado about nothing ! » : beaucoup de bruit pour rien !

Attention : un âge-pivot peut en cacher un autre !

« Much ado about nothing !* »

Attention : un âge-pivot peut en cacher un autre.

Faire de la myopie une stratégie : voilà bien ce à quoi l’on assiste chez certains revendiquant comme une victoire le retrait de l’âge-pivot. Myopie accompagnée de surdité feinte - facteurs non pris en compte dans les discussions sur la pénibilité - puisque le Premier Ministre s’est avisé d’ajouter derrière le terme retrait : « provisoire et sous conditions ».
La décision de ce retrait provisoire est subordonnée à un accord des parties qui vont se réunir pendant 3 mois (jusque fin avril), c’est la conférence de financement, afin d’envisager des mesures à prendre pour équilibrer le système actuel avant la mise en place du système par points. On retire donc a priori la mesure d’âge-pivot comme seul moyen de parvenir à l’équilibre financier d’ici 2027. Mais « en même temps », le Premier Ministre assure qu’en l’absence d’accord, il « prendra ses responsabilités », indiquant qu’il s’agira de faire revenir par la porte l’âge-pivot sorti par la fenêtre ; et en second lieu, il n’est aucunement question de faire disparaître cet âge-pivot dans les paramètres du nouveau système, à compter de 2025. Il assure que le futur système universel comporte « un âge d’équilibre » qui sera « un des leviers de pilotage collectif du système dans la durée ».

La règle d’or : ou comment légitimer des régressions libérales.

Cette conférence de financement préfigure ce qui risquerait de se passer chaque année si le projet de réforme se mettait en place. En effet, l’avant-projet de loi comporte une règle d’or sur le pilotage financier du système : les comptes devront nécessairement être à l’équilibre sur une période de cinq ans, quitte à prendre des mesures d’économies pour y arriver. Et ce, dès 2025, pour la période 2025-2029 ! Libre au conseil d’administration de la Caisse nationale de la retraite universelle, chargée annuellement de vérifier les comptes sur cinq années « glissantes », d’utiliser tous les leviers pour parvenir à l’équilibre... dans un cadre contraint fixé par le Gouvernement, à la manière des discussions libres et non-faussées concernant l’assurance-chômage : vous avez toute latitude pour trouver des mesures visant à économiser 3 milliards !
Édouard Philippe n’a d’ailleurs pas tardé à fixer les contraintes concernant les moyens d’atteindre l’équilibre en 2027 : ces mesures ne doivent pas conduire à une hausse du coût du travail (pour apaiser le Medef), et ne doivent pas faire baisser les pensions. Reste les mesures d’âge (pivot ou autres !).
Mais rien n’interdira de masquer la baisse des pensions par une sous-indexation ou d’augmenter fictivement les cotisations patronales s’il y a compensation, ou fléchage d’une recette existante vers les retraites.
Légitimation des déficits creusés par allégements ou exonérations de charges sociales au profit d’une fiscalisation des ressources de la Sécurité Sociale : on s’éloigne à grands pas de la logique assurantielle et solidaire de notre système de retraite.

*Beaucoup de bruit pour rien !