7 octobre 2021

Les établissements

Projet local d’évaluation et vie scolaire : Ne rien se laisser imposer !

Source : https://www.snes.edu/article/projet-local-devaluation-et-vie-scolaire-ne-rien-se-laisser-imposer
Après avoir supprimé les épreuves nationales du bac et imposé le passage au contrôle continu dans la majorité des enseignements, le ministère satisfait une demande de l’UNSA en mettant en place un outil, le projet local d’évaluation (PLE), pour cadenasser nos pratiques professionnelles et mettre à mal la liberté pédagogique des enseignants et le travail des CPE, concepteurs de leur activité.

Le PLE est institué par un décret et un arrêté en date du 27 juillet 2021. Si ces deux textes réglementaires n’évoquent pas la vie scolaire et les CPE, il n’en est pas de même de la note de service publiée au BO du 28 juillet 2021. Sont mentionnés essentiellement deux points pouvant impliquer les CPE : l’organisation d’évaluations ponctuelles de remplacement ou de rattrapage en cas d’absences d’élèves et le renseignement des livrets scolaires dans les lycées généraux et technologiques.

Pour le SNES-FSU, les équipes ne doivent rien se laisser imposer : une note de service n’a pas la force normative de textes réglementaires.

État des lieux.

1- Organisation des rattrapages : de quoi parle-t-on ?

La note de service est très confuse et mélange dans sa rédaction les absences pour cas de force majeure (une session de rattrapage est alors organisée) et des absences répétées. Elle indique que les rattrapages sont organisés par le chef d’établissement mais il n’y a pas de cadrage dans l’organisation concrète : qui surveille, sur quel horaire ce rattrapage est-il prévu ? Beaucoup de question sans réponses qui laissent deviner la volonté de l’administration de se délester sur la vie scolaire et ses personnels.

Impliquer la vie scolaire à tous les échanges
L’expérience au quotidien des devoirs surveillés est déjà source de tensions entre les équipes. Sujet ô combien sensible quand les moyens humains ne sont pas là et où l’organisation répétée de devoirs surveillés perturbe fortement les vies scolaires déjà en tension face à la charge de travail.

Comme les textes ne prévoient rien, il est impératif pour les CPE de prendre part aux échanges au sein des équipes pédagogiques sur l’organisation de ces évaluations de rattrapage. Elles posent la question des missions des CPE et des moyens dont disposent les vies scolaires (répercussion sur les AED et le travail demandé). Les équipes de vie scolaire n’ont pas été épargnées par les coupes budgétaires… Les échanges doivent être l’occasion de rappeler nos exigences d’attribution de moyens suffisants en postes d’assistants d’éducation et de respect de leurs missions. Les CPE ne doivent pas restés isolés.

Une tentative de dépossession du métier via des prescriptions multiples
Le SNES-FSU a toujours œuvré pour que soit reconnue la participation des CPE aux équipes pédagogiques. Ainsi a -t-il obtenu en 1989 la modification du décret statutaire qui précise : « Ils sont associés aux personnels enseignants pour assurer le suivi individuel des élèves et procéder à leur évaluation ». De même en 2015, il a fait ajouter « la réussite scolaire » à la définition de la notion de vie scolaire dans la circulaire de missions (« placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelle et collective, de réussite scolaire et d’épanouissement personnel »). Contribuer à l’organisation de rattrapages d’évaluations (beaucoup le font déjà) participe justement de la réussite des élèves. Les CPE peuvent prendre toute leur place pour définir avec les équipes pédagogiques les modalités de leur mise en œuvre.

Hélas, avec la mise en place de ce PLE, il ne s’agit pas de conforter cette posture pour le Ministère.

Pour qui en douterait, il suffit de parcourir les courriers adressés par l’Inspection régionale établissement-vie scolaire aux CPE dans plusieurs académies. Dans le lot traditionnel de ces « courriers de rentrée aux CPE », l’exemple de l’IPR-EVS de Lyon est particulièrement parlant en ce qu’il entend impliquer les CPE dans le PLE à l’opposé de ce que le SNES-FSU porte pour le métier. Cette Inspectrice propose des axes de travail tous issus d’injonctions ministérielles en décalage avec le quotidien des CPE dans les établissements. Ce courrier débute bien mal quant au positionnement du CPE : arrive en tout premier le travail avec l’équipe de direction (on devine pourquoi), quant au travail avec « la communauté éducative » (qui est pourtant la réalité du travail des CPE), il s’agit tout au plus d’« une interface ». Ce positionnement établi, il résulte que les CPE participent à « la réflexion, la construction et la mise en œuvre du projet d’évaluation ». Soit, mais on comprend vite de quoi il retourne. L’accent est mis sur « les entrées organisationnelles et réglementaires », l’aspect pédagogique arrive en toute fin : « voire pédagogique » (vraiment accessoire semble-t-il pour cette IPR-EVS). L’entrée éducative est totalement évacuée. L’IPR-EVS focalise essentiellement sur le règlement intérieur et le travail qu’elle attend des CPE sur ce point, feignant d’ignorer qu’ils n’ont en rien l’exclusivité sur le sujet qui doit rester l’objet d’un travail collectif. Le règlement intérieur est instrumentalisé pour mieux cacher la vacuité des propositions pour le métier de CPE.

Encore une approche « administrativiste » du métier avec un PLE qui se profile comme un outil prescripteur et injonctif. Inacceptable !

En réponse aux alertes du SNES-FSU, lors du Conseil supérieur de l’éducation du 15 septembre, la Direction générale de l’enseignement scolaire a indiqué que le PLE ne devait figurer ni dans le règlement intérieur ni dans le projet d’établissement. Le SNES-FSU réaffirme qu’il n’y a pas d’urgence et qu’il est nécessaire de prendre le temps de la réflexion collective.

2– Les livrets scolaires doivent-ils être pris en compte dans le projet local d’évaluation ?

Pour la note de service : oui. Elle mentionne « les principes à respecter pour le renseignement des livrets scolaires ».

« Le livret scolaire est renseigné par l’équipe pédagogique de façon à indiquer le niveau atteint et à valoriser l’implication, l’engagement, l’assiduité et les progrès du candidat dans le cadre de sa scolarité ». Il est demandé, lors du renseignement du livret, de « respecter scrupuleusement l’anonymat du candidat, y compris dans les appréciations et observations » et veiller ainsi à ce que les indications données ne permettent pas d’identifier l’établissement du candidat.

Les différentes appréciations doivent permettre au professeur « d’expliquer le cas échéant, une modalité particulière d’évaluation, de nuancer et de contextualiser une moyenne, surtout si elle est considérée comme peu représentative des qualités du candidat ».

« Les moyennes annuelles du livret scolaire retenues au titre de notes pour le baccalauréat sont impérativement renseignées, pour chaque enseignement obligatoire et, le cas échéant, pour chaque enseignement optionnel.

Des conséquences pour les CPE
Professeurs principaux et CPE sont sollicités pour renseigner la dernière page des livrets « informations relatives au parcours et aux apprentissages de l’élève » : valoriser « l’implication, l’engagement, l’assiduité » des élèves.

Défendre son métier et ses pratiques
Quel est l’objectif poursuivi ? Selon le document ministériel sur les livrets, « consigner les éléments marquant le parcours de l’élève dans l’établissement », « compléter le profil de l’élève et prendre acte de l’apport éducatif de la vie scolaire dans sa formation ».

Pour le SNES-FSU, la reconnaissance de l’engagement ne peut se confondre avec l’évaluation scolaire, encore moins conditionner l’obtention d’un diplôme. Elle doit être associée aux valeurs de volontariat et de gratuité.

« Prendre acte de l’apport éducatif de la vie scolaire dans la formation » de l’élève, ne saurait se résumer à une approche bureaucratique consistant à cocher des cases. Une formule aussi alambiquée et vide de sens n’est d’ailleurs pas sans évoquer la triste mémoire de la « note de vie scolaire » dont on a connu les effets délétères.

Une approche technicienne, très centrée sur les dispositifs institutionnels et les instances : délégué de classe (dont on peut s’interroger sur la survie avec l’explosion du groupe classe), CVL, CA, AS, CESC) … Un travail qui consistera pour les CPE une nouvelle fois à « administrer » la tâche éducative et qui sera bien en peine de répondre aux difficultés de la vie lycéenne.

Il ne s’agit pas d’être moins disponible pour nos missions fondamentales et de remettre en cause la singularité du regard du CPE sur l’élève dégagé de l’évaluation. Et que dire de la charge de travail supplémentaire pour les collègues, seuls CPE pour plus de 500 élèves, voire plus.

Une fois de plus, ce dispositif constitue pour les personnels, une source inutile de bureaucratisation des métiers, un encadrement renforcé, toujours plus tatillon et prescriptif de notre activité.

Le SNES-FSU appelle les CPE à ne pas rester isolés, à prendre toute leur place aux côtés des autres personnels dans les heures d’informations syndicales et/ou Assemblées Générales pour rédiger des motions, préparer les demi-journées banalisées et ne rien se laisser imposer à cette occasion. Le SNES-FSU demande l’abrogation du PLE, continue d’exiger la remise à plat de la réforme du bac, du lycée et de Parcoursup, la fin du contrôle continu et le retour à des épreuves terminales, nationales et anonymes, seules garantes de l’égalité de traitement et l’obtention d’un même diplôme pour tous.