21 mars 2015

Les établissements

REFORME DU COLLEGE : Texte voté à la CAA du 19 mars 2015

REFORME DU COLLEGE

La Ministre a présenté en conseil des ministres les grandes orientations d’une réforme du collège qui s’appliquerait à la rentrée 2016. Dans le cadre des négociations sur les grilles horaires engagées jusqu’au CSE du 10 avril, la CAA élargie de Lille tient à apporter une analyse en 4 points.

1) Le SNES rejette la vision rétrograde qui sert à justifier la réforme, réforme qui entend rendre responsables les enseignants, leurs enseignements disciplinaires et leurs pratiques prétendument magistrales, des échecs du collège actuel. Ce point de vue ignore sciemment la réalité de l’engagement des professionnel-le-s de terrain que nous sommes, capables de diversifier leurs pratiques et d’impliquer les élèves, pour peu qu’on leur en donne les moyens en termes d’effectifs par classe notamment.

2) Concrètement, le projet repose sur 3 principes :

a.INTERDISCIPLINARITE

Dans un contexte d’austérité budgétaire, interdisant une baisse du nombre d’élèves par classe et le travail en petits groupes, l’accent est mis sur la mise en œuvre d’ « Enseignements Pratiques Interdisciplinaires », qui seraient financés par redéploiement des horaires disciplinaires du « tronc commun », et de l’Accompagnement Personnalisé à tous les niveaux.

La CAA rejette une architecture qui s’inspire de la funeste réforme du lycée. Elle considère que l’approche par projet est un choix qui relève de la liberté pédagogique dans le respect des horaires et programmes nationaux, et qui doit être mis en œuvre dans le cadre du groupe-classe, avec un temps de concertation dans le cadre du service.

Elle conteste également la suppression envisagée d’options (latin-grec, euro) : sous prétexte de lutte pour la mixité scolaire, il s’agit en réalité de faire des économies de postes en réduisant l’offre d’enseignement, que les EPI ne pourraient en aucun cas diversifier.

b.GLOBALISATION

Puisant dans la logique du socle de 2005, le projet entend globaliser certains horaires disciplinaires regroupés en pôles (« sciences », « arts », LV). La globalisation des moyens envisagée remet en cause l’existence autonome de ces disciplines, et introduit une hiérarchie inacceptable dans les enseignements, certains considérés comme fondamentaux, d’autres condamnés à puiser dans les projets EPI pour exister.

Focus LV

 Les horaires de LV2 seraient amputés en 4è et en 3è (2+2 au lieu de 3+3) pour lisser et faire l’annonce de la LV2 en 5è (à2h) ; cela est absurde : toutes les études montrant qu’à moins de 3h "d’exposition " par semaine, il n’y a en LV pas d’apprentissage possible. La globalisation affichée sert donc bien à diminuer l’horaire.

 Les sections bilangues seraient bien supprimées, puisqu’il n’y a quasiment plus en France de LV1 autre que l’anglais en primaire. Le ministère se livre bien à une opération de communication pour faire croire qu’il reste peut-être un espoir en la matière.

 Les sections euros sont également supprimées si on suit le projet.

En termes de diversification et d’apprentissage pour les élèves, ce serait donc un immense bond en arrière, et le retour à la situation des années 60...
En termes de travail pour les personnels, cela implique des services sur 3 établissements pour tous les collègues de LV autres que l’anglais et l’espagnol. Et donc "trop "de collègues dans certaines langues. La reconversion forcée ou la porte ne sont pas loin.
Et pour tous, l’augmentation du nombre de classes et/ou de groupes guette : on passe de 6 à 9 classes pour toutes les langues sauf l’anglais.

La CAA exige que chacune des disciplines reçoive un financement fléché dans les DGH, afin que soit pris en compte leur contribution à la culture commune reconnue par la loi de refondation.

c.PILOTAGE LOCAL

La réforme se présente comme libérale, revendiquant l’attribution de marges d’autonomie supplémentaires aux établissements.

En réalité, il s’agit de donner des marges de gestion des DGH aux chefs d’établissements ; de confier aux coordonnateurs et conseils locaux (école-collège, pédagogique, de cycle, de niveau), ainsi qu’au conseil d’administration, le pouvoir de définir une partie des contenus enseignés, des démarches, des modes d’évaluation.

Au contraire, la mise en place d’EPI détachés des enseignements disciplinaires constituerait un recul de l’autonomie et de la liberté pédagogique par rapport à l’existant : en effet, quand les DGH le permettaient encore, il était possible de réaffecter les 2h d’IDD (et la demi-heure non affectée) en 5e-4e aux enseignements. Les EPI constitueraient de ce point de vue un dispositif verrouillé par une interdisciplinarité subie, variable d’ajustements des services, et qui risquerait de rigidifier les emplois du temps des élèves, comme ceux des personnels.

Enfin, une application stricte du décret du 22/10/2014 (« relatif à l’organisation d’instances pédagogiques dans les écoles et les collèges »), couplée à une interprétation défavorable et extensive des missions liées (via la future circulaire ORS), pourraient constituer un cocktail explosif et multiplier à l’infini les réunions et les pressions, sous prétexte de mise en œuvre des dispositifs pédagogiques locaux (EPI et AP). La volonté d’imposer aux enseignants l’heure de vie de classe témoigne de cette réelle volonté d’accroître la charge de travail.

La CAA considère que la construction d’un collège pour tous les élèves passe par le maintien de programmes disciplinaires nationaux explicites et complémentaires, dans le cadre desquels doivent s’inscrire d’éventuels thèmes de travail disciplinaires, et des objets d’études liés. Dans le même temps, le SNES continuera d’exiger une circulaire ORS qui ne favorise pas le pilotage pédagogique des EPLE au travers d’une multitude d’instances dans la main des chefs d’établissement.

3) Un projet réactionnaire qui tourne le dos à la démocratisation
Contrairement à ce qui est avancé, cette réforme risque d’accroître les inégalités sociales à l’Ecole : 

 elle ne prévoit aucun moyen budgétaire (moins d’un poste par collège) permettant de revenir sur la longue dégradation des conditions de travail qu’a subie le collège depuis la fin des années 90.

 la mise en place des EPI s’inscrit dans la volonté de promouvoir « l’attractivité » des établissements (dont ils constitueraient la « vitrine »), dans le cadre d’une mise en concurrence accrue des collèges.

 A rebours des recherches en sociologie de l’Education, qui insistent sur l’importance des « malentendus » cognitifs dans la construction de l’échec scolaire, la mise en avant des EPI et de l’AP risque de brouiller encore, en particulier pour les enfants d’origine populaire, la conscience de ce qui est prioritaire dans les apprentissages, au profit d’activités qui relèvent davantage de « l’occupationnel ».

4) Les négociations sur la réforme ne peuvent continuer que si des garanties claires sont données

quant à la défense des disciplines existantes et de leurs horaires, optionnelles ou non (horaires-élèves et professeurs -hors EPI et AP- et programmes nationaux), ce qui implique le refus de tout redéploiement au profit de dispositifs interdisciplinaires imposables.

quant à l’abandon de toute globalisation horaire, qui conduirait inévitablement à mettre à mal le travail en équipe, et déboucherait sur une hiérarchie officielle des disciplines
quant au respect des choix des équipes et de la liberté pédagogique en matière d’approches didactique et d’évaluation. Cela implique de mener de front la lutte sur la réforme du collège, et celle sur la circulaire ORS, de façon à désamorcer toute nouvelle inflation de la charge de travail.

Pour la CAA de Lille, l’absence de garanties claires et rapides en ce sens doit amener le SNES à se retirer des négociations et à mobiliser la profession immédiatement en vue d’une action éducation tout en menant le débat avec les collègues, afin de construire le rapport de forces nécessaire. En tout état de cause, le délai imposé par le MEN ne permet pas une réflexion sérieuse sur l’avenir du collège, et impose que le SNES exige un report des annonces.