En raison de la crise sanitaire, ce que le ministre Blanquer présente médiatiquement comme une rentrée des classes avec reprise des cours n’en est pas une : il s’agit d’une réouverture administrative qui n’est pas de nature à pédagogique, tant que la majorité des élèves ne sera pas revenue en classe.
La section académique du Snes-FSU propose quelques analyses et outils permettant d’éviter la mise en cause de nos métiers.
Soyons vigilant.e.s, et veillons à ce que les organisations mises en place pour cette fin d’année scolaire ne soient pas instrumentalisées pour pérenniser un second degré « à la carte », qui entérinerait les inégalités et justifierait la réduction des horaires élèves sous prétexte d’enseignement à distance.
Lectures utiles et sources
Circulaire du 4-5-2020 - Réouverture et conditions de poursuite des apprentissages - Bulletin officiel n° 19 du 7 mai 2020 | Cette circulaire ne peut se substituer aux textes nationaux comme ceux définissant les horaires obligatoires au collège, ou contrevenir au décret statutaire du 20 août 2014 : ils n’ont pas été abrogés |
Organisation des enseignements | Horaires obligatoires pour les élèves des collèges et des lycées |
Décret n° 2014-940 du 20 août 2014 | Peut être invoqué pour faire respecter le principe du service d’enseignement hebdomadaire avec maximum de service (15/18H), dans la discipline de recrutement, et empêcher que soit exigé le cumul du présentiel et du distanciel, ce dernier n’étant pas une obligation de service |
Analyses Snes-FSU académique | Maintien des oraux de Français, une absurdité sanitaire et pédagogique->https://lille.snes.edu/Maintien-des-oraux-de-Francais-une-absurdite-sanitaire-et-pedagogique.html] |
Collège : le point sur les évaluations, les bilans de fin de cycle et le DNB |
- Mon collège/lycée va rouvrir à partir du 2 juin : y-a-t-il une pré-rentrée des personnels prévue avant le retour des élèves ?
Le SNES-FSU est favorable à l’organisation d’une journée type "pré-rentrée" pour l’ensemble des personnels amené à reprendre. D’ailleurs, le protocole national prévoit dans la fiche "formation, information, communication" (p9) que "les enseignants ainsi que tous les autres personnels sont formés par tous moyens aux gestes barrière, aux règles de distanciation physique et au port du masque pour eux mêmes et pour les élèves dont ils ont la charge le cas échéant. Cette formation s’appuie notamment sur les prescriptions du présent guide, notamment celles figurant dans les fiches thématiques. Cette formation doit être adaptée à l’âge des élèves pris en charge et réalisée, dans toute la mesure du possible, avant la reprise des cours."
Il faut donc s’appuyer sur ces demandes pour obtenir cette journée, qui permettra aux personnels de découvrir également les spécificités liés à leur établissement, et les outils nécessaires pour l’information et la formation des élèves à leur retour.
Le SNES-FSU a d’ailleurs appuyer cette demande auprès de la rectrice, et a été entendue : dans notre académie, l’accueil des élèves ne démarrera que le 4 juin au plus tôt, et "les 2 et 3 juin pouvant être consacrés aux rencontres entre professeurs et à la prise de contact avec les élèves que vous aurez identifiés." (mail de la rectrice aux proviseurs daté du 29 mai).
- Mon chef d’établissement veut m’imposer de prendre des « regroupements » de classe : que puis-je faire ?
Plusieurs arguments sont à avancer pour éviter ce type de dérive :
– Le respect des VS (classe/groupes attribués en début d’année scolaire, et volume horaire) et des horaires-élèves en priorité.
– La continuité pédagogique : nous avons nos élèves depuis septembre, nous avons entamé une progression, et nous les connaissons (tant sur le plan du travail que du comportement). Cette continuité a été poursuivie depuis la fermeture des établissements. Il serait impensable d’avoir de nouveaux élèves en juin, sauf à mettre un terme à la continuité pédagogique, ce qui impliquerait de rendre impossible toute poursuite du travail à distance avec les élèves qui n’ont pas repris : il faudrait en effet préparer des séances adaptées "à l’hétérogénéité des apprentissages des élèves" (cf circulaire du 4-5-2020, 3.3), ce qui induirait une charge de travail incompatible avec la poursuite du « distanciel ».
- L’organisation pédagogique envisagée est déséquilibrée : le service devant élèves prévu est beaucoup plus important pour certaines disciplines que pour d’autres ...
En collège, la circulaire du 4-5-2020 précise que « l’objectif visé est de maintenir le poids respectif de chaque enseignement, dans le cadre de l’organisation retenue par chaque établissement, liée aux contraintes sanitaires et aux professeurs présents ».
– Par conséquent, renforcer le « présentiel » de certaines disciplines ne peut que résulter de la contrainte (absence de collègues indisponibles), du poids « horaire » plus important de certains enseignements selon les niveaux), et en dernier lieu « d’aménagements » qui seraient « néanmoins nécessaires » et conduiraient à « prioriser » « les enseignements de français et de mathématiques » (cf circulaire du 4-5-2020, 3.3)
– Si le chef d’établissement établit bien la répartition de services pour chaque professeur, la circulaire précisent que « ces objectifs pédagogiques s’appliquent, selon des modalités laissées à l’appréciation des professeurs, que les élèves aient pu reprendre en tout ou partie la classe dans leur école ou leur établissement, ou qu’ils bénéficient de la continuité pédagogique à distance » (cf circulaire du 4-5-2020, 3) : l’articulation entre « présentiel » et « distanciel », entendu comme la continuité pédagogique pour les élèves qui ne sont pas présents, doit donc résulter aussi des demandes des collègues. Dans le cas contraire, chaque enseignant.e pourra arguer de l’impossibilité d’assurer ce cumul.
En lycée (comme en collège), la circulaire du 4-5-2020, 3->https://www.education.gouv.fr/bo/20/Hebdo19/MENE2011220C.htm]
précise que « le temps consacré aux différents enseignements est inchangé sous réserve des aménagements liés aux contraintes sanitaires et de l’organisation retenue par chaque établissement et des professeurs présents. »
- Le Ministre a aussi évoqué l’accueil « en activités » des élèves qui ne pourraient être pris en charge en cours ... Je crains que l’on demande de faire tout et n’importe quoi ...
La crise sanitaire et la réouverture des établissement dans des conditions qui seront forcément inhabituelles, ne modifient pas la nature des missions des différentes catégories de personnels.
On ne peut exiger, par exemple, des enseignant.e.s (affecté.e.s à l’année ou TZR) qu’un service d’enseignement, même si les conditions matérielles d’exercice rendront la mission complexe, quelle que soit la discipline.
- Le Ministre annonce la prise en charge de groupes de maximum 15 élèves. Comme ce sont des effectifs réduits, le chef d’établissement peut-il m’imposer davantage d’heures ?
Le décompte des heures de service d’enseignement n’est pas lié à la taille des groupes, il découle uniquement du maximum de service établi par le décret statutaire du 20 août 2014 : 1H de cours = 1H au titre des obligations de service hebdomadaires (15 ou 18H).
Rappelons aussi que, quelle que soit la taille du groupe retenue au final, elle devra inclure les personnels présents dans la salle (enseignants, AESH notamment).
- Quid du 3e trimestre s’il y a retour en établissement et de la fin de l’année scolaire ?
Si les conditions sont réunies pour permettre une réouverture d’établissements, il ne s’agira pas à proprement parler d’une rentrée, mais plutôt d’un accueil des élèves. Tous ne seront pas présents, et les présents ne le seront pas forcément en même temps. Ajoutons à cela que certaines disciplines pour certaines classes ne se feront qu’en distanciel (ni les mêmes, ni le même nombre dans chaque établissement). Les situations locales seront, si reprise il y a, diverses et variées. Qui plus est, les conditions sanitaires rendront impossibles bon nombre de nos pratiques quotidiennes (manipulations en Sciences ou en Technologie, utilisation de matériels, chant, expression orale, ramassage de travaux d’élèves...). Enfin, ajoutons à cela les contraintes habituelles de calendrier pour les bulletins de 3e trimestre. Il semble impossible d’imaginer que dans ces conditions, un 3e trimestre avec des cours et des évaluations soit envisageable, à moins de créer des inégalités très fortes entre élèves et entre territoires.
- Le ministre a annoncé la prise en compte des moyennes trimestrielles au titre du contrôle continu (BAC et DNB), et notre direction voudrait que nous harmonisions les résultats des trimestre 1 et 2 : faut-il le faire ?
Pour le Snes-FSU, la prise en compte du contrôle continu n’est qu’une réponse exceptionnelle à la crise sanitaire.
Il n’est pas possible de demander aux collègues de revenir, d’une façon ou autre, sur les évaluations et les moyennes examinées dans les conseils de classe.
En cas de pression, prévenir le S3.