30 août 2003

Le Snes-FSU dans l’Académie

Retenues pour grèves : où en est-on ?

Difficile de s’y retrouver entre les rumeurs, les interprétations parfois discordantes de l’administration, les revirements du ministre et le traitement différent réservé, selon les académies, aux personnels d’une Education dont le caractère national est décidément bien malmené ces derniers temps !
Une chose est sûre : les règles ont été modifiées en cours d’action, avec la volonté clairement affichée de faire payer au prix fort les grévistes, le ministère n’hésitant pas à déterrer des arrêts iniques, encore jamais appliqués jusqu’ici bien que datant de 1978 pour l’arrêt Omont (par impossibilité technique, nous a t-il été rétorqué lors d’une audience rectorale !). La parution d’une circulaire au JO (du 5 août !!!) précisant la façon dont sont décomptés les jours de grève non seulement ne laisse aucun doute sur la tentative de déstabiliser nos collègues en les asphyxiant financièrement, mais est aussi révélatrice de la crainte de voir repartir le mouvement dès la rentrée.

Arrêt Omont

Les lois et la jurisprudence tendent à dissuader les fonctionnaires d’exercer un droit de grève obtenu en 1946 et inscrit dans la Constitution, en le rendant notamment le plus coûteux possible pour les personnels. Ainsi la loi de 1982 qui pratiquait un décompte horaire a vite été abrogée et remplacée par loi de 1987 (amendement Lamassoure) rétablissant la situation antérieure : quel que soit le nombre d’heures de cours à effectuer dans la journée, 1/30 du traitement est prélevé.

La « nouveauté » du mouvement 2003 est l’application de l’arrêt Omont, application confirmée dans l’académie de Lille par le recteur Desneuf le 7 juillet, lors d’une audience avec l’intersyndicale FSU, FAEN, CNT, FERC-CGT, SGEN-CFDT, SUD, UNSA. Cet arrêt prévoit que " le montant des retenues à opérer sur le traitement d’un agent public s’élève à autant de trentièmes qu’il y a de journées comprises du premier jour inclus au dernier jour inclus où cette absence de service fait a été constatée, même si, durant certaines de ces journées, cet agent n’avait, pour quelque cause que ce soit, aucun service à accomplir ". Concrétement, même si le rectorat semble ne pas vouloir prélever les dimanches et se concentrer sur les « jours ouvrables », cela signifie qu’un collègue, en grève le mardi, et à nouveau en grève le vendredi, alors qu’il n’est de service ni le mercredi ni le jeudi, est prélevé pour quatre jours de service non faits. S’il est au travail le vendredi le prélèvement est de une journée.

Les prélévements, commencés fin juillet, seront de 2 jours par mois pour les catégories C et D et de 5 jours par mois pour les enseignants (catégorie A). Concernant, les 4 collègues qui ont refusé de prendre leurs copies de philosophie, il s’agira d’une « retenue financière presque symbolique » de 4 jours, le recteur ayant toutefois indiqué sa possibilité, d’un point de vue strict de la législation, de prélever sur la durée de période de correction !

Au juridisme, répondons par le juridisme

Dans un premier temps, il convient de se faire communiquer par le chef d’établissement l’état détaillé des relevés d’absences (document nominatif communicable de plein droit), et en cas de contestation, d’engager des procédures. A noter que la qualification de gréviste résulte d’un constat objectif, et non de l’intention de l’agent. C’est en effet à l’administration de constater le service effectivement non fait et, pour ce faire, elle n’est pas en droit de demander qu’une liste des grévistes soit affichée ou fournie. Dès lors, s’il y a eu service fait (intégralement et non pas seulement quelques heures en terminale ou 3e), aucune retenue n’est possible sur les traitements, ni ce jour-là, ni le cas échéant les week-ends suivant le jour concerné.

Il faut également savoir que les retenues pour grève doivent être calculées sur la base de l’ensemble des traitements et indemnités, après déduction des cotisations et retenues obligatoires. C’est ce qui résulte d’un arrêt du Conseil d’État (28 octobre 1998, arrêt Grondin). Les pratiques rectorales ne respectent pas cet arrêt (par impossiblité technique là aussi ?), alors que les différences de retenues entre ces deux modes de calcul sont de l’ordre de 20 %….

Arrêt Grondin : mode d’emploi

Il faut commencer par évaluer la perte financière : pour une journée de grève, un certifié au 7e échelon, prof principal en 2de, se voit prélever 1/30, soit 80 euros d’après la fiche de paie (« tarif » de mars 2003). Or, il est loin de toucher un salaire net de 2400 euros…. Si on applique l’arrêt Grondin, le prélévement ne devrait plus être que de : ((traitement brut + indemnité de résidence + ISOE/12 + ISOE modulable/12) – (« pension civile » + « CSG » + « CSG déductible » + « RDS » + « cotisation solidarité »)) le tout divisé par 30, soit un résultat plus proche de 66 euros que de 80 !!!

Il faut donc réclamer cette différence non négligeable, prélevée à tort par le rectorat. Détail qui a son importance : les réclamations peuvent remonter aux grèves datant du 1er janvier 1999.

La procédure à suivre est la suivante : faire une demande de recours grâcieux (voir modèle) auprès du recteur (un silence de 2 mois vaut refus ou « rejet implicite »), puis, si l’on veut aller jusqu’au tribunal administratif (voir le s3 de Lille pour la suite de la procédure), une demande préalable argumentée et chiffrée, condition nécessaire avant de saisir le tribunal, à peine d’irrecevabilité de la requête. Il suffit de déposer cette réclamation préalable au secrétariat de son établissement, en prenant soin de se faire apposer sur une copie un tampon " arrivé le… " ou " vu et transmis ". »


recours gracieux et/ou réclamation préalable

NOM, PRENOM

Grade

Affectation

à

Monsieur le Recteur (madame la Rectrice) de l’académie de

Le cas échéant : s/c de Monsieur le Proviseur / Principal / Directeur du Lycée / collège /CIO……..

Date

Monsieur le Recteur (madame la Rectrice),

J’ai l’honneur d’attirer votre attention sur ma situation. Vous avez procédé à différentes retenues sur mon traitement en raison de ma participation à des mouvements de grève. Ces retenues ont été notamment opérées sur mes traitements des mois suivants :

Indiquer les dates et les sommes, par exemple : mars 2003 pour une absence le 28/01/2003 80.34 euros, etc …

Il apparaît que des retenues ont été opérées sur des fractions de mon traitement qui ne pouvaient en aucun cas m’être payées puisque correspondant à diverses retenues au titre des pensions civiles, de la CSG ou des cotisations à l’assurance maladie, du RDS ou du 1% solidarité.

Or il ressort de l’arrêt du Conseil d’Etat en date du 28.10.1998 (M. Grondin, n° 186949), que les retenues sur traitement pour service non fait ne peuvent être opérées sur la fraction du traitement qui n’a pas été payée.
Je sollicite donc de votre bienveillance le remboursement des retenues indûment effectuées sur mon traitement, soit au total la somme de xxx euros, sauf à parfaire*.

* Remarque : les sommes réclamées sont " à parfaire ", c’est-à-dire que le requérant se réserve d’en réévaluer le montant le cas échéant.

Récapitulatif

Au total, au regard des retenues pour grève récapitulées ci-dessus, ce sont xxx euros, sauf à parfaire, qui m’ont été prélevés abusivement, somme que j’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir me reverser, outre intérêts légaux à courir sur cette somme à compter des présentes, outre encore les intérêts des intérêts par application de l’article 1154 du code civil à chaque anniversaire de ma demande s’il y a lieu.

Je vous prie de croire, Monsieur le Recteur, à l’assurance de mes sentiments respectueux.

signature

NOM PRENOM

Productions :

Justificatifs éventuels.


Autre possibilité pour les cas où la créance n’est pas contestable, comme c’est le cas pour les retenues calculées sur le brut : la « requête en référé-provision » qui offre l’avantage d’une décision rapide et n’est pas incompatible avec l’autre démarche.

Il faut adresser le modèle de courrier ci-dessous en 4 exemplaires signés au tribunal, par courrier recommandé avec accusé de réception, sans oublier les pièces produites (listées à la fin du recours à la rubrique " productions "). Un timbre fiscal de 15 euros (ou des timbres fiscaux d’une valeur de 15 euros) doit être collé sur le premier exemplaire de la requête (un seul timbre en tout). Bien garder un double. Le greffe du tribunal fait ensuite parvenir un accusé d’enregistrement comportant un numéro de dossier qui devra être rappelé dans toute correspondance ultérieure.

Remarque : dans les requêtes devant le tribunal, on demandera aussi la condamnation de l’État à verser au demandeur une somme au titre des " frais irrépétibles " (article L.761-1 du code de justice administrative) : il s’agit des dépenses impliquées par la procédure, (frais de timbre, de téléphone, de courrier, de recherche et d’écritures, voire d’avocat). L’usage veut que cette somme soit versée au SNES.

Requête en référé-provision

(article R.541-1 du code de justice administrative)

Pour

NOM, PRENOM

Grade

Affectation

Adresse personnelle + fax + email

à

Mesdames, et messieurs les Président et conseillers composant le Tribunal Administratif de ………

CONTRE

Une décision de Monsieur le Recteur
de l’académie de ……….

J’ai l’honneur de vous exposer quel je suis [grade, affectation]. A la suite de ma participation à différents mouvements de grève, l’administration a opéré sur mon traitement à des retenues pour service non fait à hauteur de xxx euros, ainsi qu’il apparaît sur les bulletins de paye produits ci-après.

J’ai alors saisi l’administration d’une réclamation tendant au remboursement des sommes indûment prélevées, puis une seconde demande après parfaire, pour la somme de xxx euros outre intérêts légaux.

J’ai saisi votre tribunal par une requête au fond en date du,……., [éventuellement : enregistrée sous le numéro….].

Or, il apparaît que, pour déterminer le montant des retenues sur mes traitement, l’administration a inclus dans l’assiette de son calcul différents prélèvements sur le traitement brut au titre des pensions civiles en application de l’article L.61 du Code des pensions civiles et militaires, au titre des prestations en nature de l’assurance maladie-maternité-invalidité en application de l’article L.712-9 du Code de la sécurité sociale précisé par l’article D.712-38 dudit code, au titre de la cotisation sociale généralisée instituée par l’article 127 de la loi de finances n° 90-1168 du 29 décembre 1990, au titre de la caisse de remboursement de la dette sociale instituée par l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, au titre enfin du 1% solidarité institué par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 ;

Il est constant que l’administration a opéré une retenue pour service non fait sur la fraction du traitement qui n’a pas été payée ; que dès lors elle a méconnu, les dispositions susrappelées (CE, 28.10.1998, Grondin, mentionné au Recueil).

Dès lors la créance que je détiens sur l’administration apparaît à l’évidence comme n’étant pas sérieusement contestable.

Il convient d’insister sur le refus délibéré de l’administration de l’éducation nationale de se plier à l’application de la volonté du législateur en la matière, qu’elle ne pouvait en effet ignorer, et pas seulement parce que le vieil adage « nemo cencetur ignorare legem » doit, d’abord et comment ! s’appliquer à l’administration, mais parce que plusieurs tribunaux administratifs ont déjà censuré le ministre chargé de l’éducation nationale (par exemple : TA Lyon, 20 décembre 2001, M.Danthony, n°9704946, 9803458, 9903156, 0100222, ; TA Strasbourg, 14 mai 2001, M. Christian Biache, n°991642), et alors que la décision Danthony a été mentionnée à la « Lettre d’information juridique » du ministère de l’éducation nationale n°63, mars 2002. Le recteur ne pouvait donc ignorer cette jurisprudence, et c’est délibérément qu’il a entendu me faire payer, au-delà de ce que lui permet la loi, ma participation à la grève.

Enfin, il serait d’autant plus inéquitable de laisser l’exposant(e) supporter seul(e) les frais irrépétibles (frais de timbre, de téléphone, de courrier, de recherche et d’écritures) que le présent litige trouve sa source dans l’attitude dilatoire de l’administration,qui refuse de se soumettre à la jurisprudence du Conseil d’Etat, pourtant expressément invoquée dans la réclamation préalable.

Par ces motifs, plaise au juge des référés du Tribunal Administratif de ……………

condamner l’Etat me verser une provision de [indiquer la somme réclamée], par application de l’article R.541-1 du code de justice administrative.

condamner l’Etat me verser la somme de 100 euros sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Fait à ………, le ……….

signature

NOM, PRENOM

Productions :

1. Photocopie des bulletins de paye comportant les retenues querellées.

2. Le cas échéant, réclamation préalable de l’exposant(e) en date du ………….et mémoire au fond.

3. le cas échéant : réclamation préalable et / ou mémoire au fond.

4. Toute autre pièce justificative.