31 mars 2019

Le Snes-FSU dans l’Académie

Texte voté à la CAA de la section académique du SNES-FSU le 21 mars 2019 et textes votés à la CA nationale des 26-27 mars.

Texte CAA Lille Textes CAN Paris
Texte action et Droits et libertés

TEXTE ACTION CAA DU S3 DE LILLE, 21 MARS 2019

Situation générale

La situation politique et sociale du pays reste extrêmement tendue : le « grand débat », lancé par l’exécutif pour sortir de la contestation historique dont il est l’objet, ne lui a pas permis de désamorcer la crise majeure déclenchée par le surgissement de la révolte des Gilets Jaunes.
Plutôt que de réorienter sa politique, et de remettre en cause des choix économiques favorisant l’oligarchie, le pouvoir choisit la fuite en avant et prend des mesures législatives et des décisions répressives qui remettent en cause les libertés publiques (loi « anti-casseurs »), et risquent d’exacerber les violences envers les manifestants : usage de produits pour « marquer », stratégie offensive des forces de l’ordre qui seront désormais envoyées "au contact", recours irresponsable et fébrile à l’armée, aggravation des amendes.
C’est le choix du pire fait par un gouvernement qui reste décidé à mettre en œuvre les contre-réformes guidées par les institutions européennes et la classe dominante au nom de la « dette », tout en refusant, par exemple, des réformes à vocation redistributive sur le plan fiscal. Il pousse aussi le cynisme jusqu’à envisager l’instauration d’un jour de carence obligatoire pour tous dans le privé, après avoir l’avoir rétabli en 2018 dans la fonction publique au nom de l’équité ... avec le privé !
Pour parvenir à ses fins, l’exécutif n’hésite plus à se comporter de façon de plus en plus autoritaire. Le SNES-FSU dénonce d’ailleurs le gazage des enseignants de Toulouse et leur apporte son soutien.

Fonction publique
En dépit de ce contexte peu favorable et de son affaiblissement (il faut se souvenir qu’il y a un an le gouvernement battait des records de popularité), la réforme de la fonction publique a été engagée et devrait être présentée en conseil des ministres à la fin du mois de mars.
Les principales dispositions sont connues, et ressemblent pour certaines à celles imposées dans le secteur privé par les ordonnances Macron : remise en cause des CAP, fusion des CT/Chsct, développement de la contractualisation et de la précarisation, remise en cause de la conception statutaire du fonctionnaire-citoyen héritée de la libération et des lois Le Pors, accompagnement des 120 000 suppressions de postes promises par le Président de la République à l’horizon 2022. Les quelques concessions accordées en CCFP ne sont que des aménagements de façade qui ne remettent nullement en cause les orientations du projet Dussopt/Darmanin/Philippe. 

Education
Si le projet de loi Blanquer « pour l’école de la confiance » a été lancé dès la rentrée 2018, et rejeté à chaque étape (CSE, CTM), ses aspects régressifs ont été renforcés et précisés jusqu’à son examen parlementaire engagé dans le cadre d’une procédure « accélérée », uniquement motivée par la volonté ministérielle d’écarter les personnels et l’ensemble de la communauté éducative. Contrairement à certaines analyses qui évoquent des mesures éparses, le projet Blanquer, qui fait écho au projet Dussopt qui veut faire obéir et taire les agents, dessine un projet éducatif extrêmement cohérent destiné à faire exploser les structures actuelles. Dans la droite ligne des réformes du lycée et de parcoursup, il veut inscrire dans le marbre de la loi un système inégalitaire et sélectif, en fragmentant le second degré (projet d’école fondamentale) et en l’écartelant par la création de nouveaux types d’EPLE (SF et Internationaux). Si l’on ajoute à cela la volonté de faire des lycées professionnels des passerelles vers l’apprentissage, et d’adapter localement l’offre de formation, on obtient la mise en place progressive d’une véritable Ecole de Classe.
Ce projet prend tout son sens et sa nocivité quand il est mis en relation avec le projet fonction publique : il prépare un changement de paradigme en matière d’éducation et de service public en posant le management local (au nom de l’autonomie ») comme levier de contrôle sur nos carrières et nos métiers, ce qui justifie la suppression du paritarisme dans la Fonction Publique, et revient à confier le contrôle hiérarchique ultime au Conseil de l’Evaluation de l’Ecole qui enterre le Cnesco trop « indépendant » des pouvoirs en place.

Lycées : réformes, préparation de rentrée
Les dernières circulaires produites par le ministère confirment malheureusement toutes nos analyses : la réforme vendue avec l’illusion du choix se heurte à l’épreuve de la réalité ; les élèves se verront imposer des spécialités hors vœux, si, tout à fait "exceptionnellement" les "contraintes d’organisation" les rendaient impossibles à mettre en œuvre ou si "Si la capacité d’accueil est atteinte dans un enseignement et qu’il n’est plus possible d’ouvrir un groupe supplémentaire » ou si "l’enseignement n’est pas ouvert dans le lycée" (sachant qu’il ne sera pas prioritaire dans un autre)... Il est évident que les familles qui ont les moyens d’argumenter n’auront pas trop de soucis à se faire. Quant aux autres...
Les projets du gouvernement concernant les CPGE sont des leurres pour les élèves qui vont avoir l’impression de pouvoir suivre tous les cursus indépendamment des spécialités choisies. La mise en place de remédiations à hauteur de 2H par semaine au 1er semestre ne couvrira pas les heures perdues en n’ayant pas choisi certaines spécialités.

Là encore, cela place les professeurs dans des situations très compliquées : ils se retrouvent en première ligne face aux demandes des familles et sont trop souvent dans l’incapacité de les aider dans leurs choix d’orientation. Comment peut-on attendre un choix éclairé de la part de jeunes de 15 ans, choix qui prédéterminera très certainement leur projet d’orientation post bac ?
Le ministère s’aperçoit également qu’il faut ajuster les programmes de seconde pour que les nouveaux entrants en première soient prêts pour des épreuves...dont le contenu n’est pas encore officiel ni même parfois vraiment décidé (EAF notamment). Comment attendre des professeurs qu’ils préparent leurs élèves efficacement alors que les premières séries d’épreuves auront lieu dans moins d’un an. 
Pour le Snes, qui alerte sur ces questions depuis le début des discussions, cela montre un niveau d’improvisation très inquiétant : ce sont les élèves, leurs familles, les enseignants qui sont maltraités et tout laisse à penser que la rentrée sera catastrophique en dépit des dotations parfois stables en lycée.
L’offre de formation, notamment celle des options est également très menacée.
Collèges

Dans les collèges, la "culture de l’évaluation" et de "l’efficience" que prône le ministère donne un coup d’accélérateur à la diffusion des principes du New Public qui tendent à miser sur l’autonomie accrue des acteurs locaux, en un mot accroître les prérogatives des chefs d’établissement même en dépit des textes pour en faire des "managers de proximité", avec pour objectif d’inscrire cette logique dans le statut de la fonction publique et dans la loi confiance : pour que le manager soit en capacité d’agir sur les indicateurs et objectifs contractualisés, corrélés à la compression des dépenses publiques, et contrôlés régulièrement sous l’égide du Conseil de l’Evaluation de l’Ecole, la Loi Confiance entend les poser en leader sur le plan hiérarchique et pédagogique par la création de nouveaux type d’EPLE qui font entrer en collision les cultures professionnelles dans le but de les affaiblir. 
Sans attendre l’adoption de ces projets de loi, la pression est forte sur le terrain 
 sur l’évaluation des élèves, pour imposer des choix pédagogiques et peser sur les résultats du DNB (Oral de 3e, bilans de fin de cycle 4)
 sur les remplacements « à l’interne », notamment à l’occasion des sorties et voyages. Nous voyons désormais des injonctions pour accompagner des sorties hors temps de service
 sur la mise en œuvre du parcours avenir en 3e : la charge de travail des PP s’accroît, et on veut les placer en situation de remplacer les psyEN.
Par ailleurs, en octobre, le ministère a lancé une concertation nationale concernant l’inclusion. Elle concernait trois axes : les attendus des familles et des associations pour une scolarisation de qualité des élèves en situation de handicap, le métier d’accompagnant et la mise en œuvre de l’expérimentation des Pôles Inclusifs d’accompagnement localisé (PIAL). Le SNES n’a pas été convié à cette concertation alors que l’inclusion impacte considérablement les conditions de travail des personnels. Cette concertation s’est achevée par une restitution le 11 février et doit déboucher sur des textes fin mars. Le SNES doit dénoncer l’absence de concertation des personnels et faire connaître les premières menaces sur les personnels qu’annoncent les restitutions (rédaction des PPS par les enseignants des élèves et non plus par la MDPH, mutualisation des AESH).

Contre-réforme des retraites

Esprit liberticide et inégalitaire du projet de loi pour l’école, volonté d’ultra-libéraliser le service public dans le projet de loi de transformation de la FP, la volonté du gouvernement de détruire la protection sociale trouverait son apogée dans le projet de réforme du système de retraite : bouleversement systémique symbolisé par le démagogique « un euro cotisé ouvrira les mêmes droits à tous ».
Il s’agirait d’une transformation radicale du mode d’acquisition des droits à la retraite :
 en liant la pension au nombre de points acquis tout au long de la carrière, supprimant ainsi l’indice des 6 derniers mois comme traitement de référence pour le calcul de la pension et détruisant du même coup un élément majeur de notre statut.
 en substituant à ce salaire de référence un taux de rendement du point, dont le prix d’achat et de vente sera revu annuellement dans le cadre de négociations, où la voix du Medef a toujours prévalu jusqu’à présent.
 en renvoyant à la sphère politique la prise en compte des mécanismes de solidarité présents dans le système solidaire actuel (enfants, réversion, interruptions d’activité).
 en réduisant mathématiquement le montant de toutes les pensions par le refus d’accompagner le nombre croissant de retraités par une correspondance du partage de la richesse produite (en bloquant à 14% la part du PIB consacrée aux pensions).
 en incitant de fait les actifs à travailler toujours plus longtemps sans avoir besoin de remettre en cause l’âge légal de départ.
 en ouvrant grand la porte aux organismes privés de retraite supplémentaire (assurances et fonds de pension).
Le SNES, avec la FSU, doit désormais porter ces analyses et ses revendications auprès de la profession, en montrant le lien entre le projet Fonction Publique et le projet « retraites ».

ACTION
Les conseils syndicaux indiquent qu’un grand nombre de collègues ignorent encore les dispositions des projets Blanquer et Dussopt, ou ont des difficultés à comprendre ce qu’ils vont modifier dans leur quotidien professionnel : il faut continuer à informer et à produire du matériel en ce sens, pour espérer capitaliser à partir du frémissement observé le 19 mars, et des actions locales.
De nombreux collègues nous demandent ce qu’ils/elles pourraient faire dans leurs établissements pour maintenir une dynamique entre les actions nationales et jusqu’à une grève des examens que le SNES doit clairement mettre en perspective. Il y a donc une attente, le SNES se doit d’y répondre et de proposer des actions à mettre en place au niveau des établissements, avec des temps forts à des dates précises. Il doit aussi encourager la mise en place d’actions diverses au sein des établissements, et diffuser largement un document (ou créer un minisite dédié) présentant les diverses modalités d’action locales, avec le cadre réglementaire et nos commentaires.

Ces propositions d’actions seront d’autant mieux comprises et suivies que leurs objectifs seront annoncés clairement. Il faut ainsi distinguer 3 type d’actions :

 celles qui visent à gagner la bataille de la communication : votation, HIS, conseils de classe muets, tractage, pétitions envers les collègues et l’opinion publique ; motions types pour dénoncer l’affaiblissement envisagé des CA ; nuit nationale de l’Education au retour des vacances de printemps ; pique-nique militant et HIS dans le cadre d’un temps fort le 4 avril.

 celles qui visent à gripper le système : démissions collectives de la charge de PP, qui pourraient donner lieu à une journée d’action spécifique au mois de juin (« demission day ») ; action sur l’évaluation des élèves (20/20, mise en débat du positionnement maximal pour tous les élèves dans les bilans de cycle 4).

 celles qui permettent de construire la résistance : refus du travail non-obligatoire (sorties, orientation, examens blancs, établissement « mort » en lien avec les parents d’élèves, grève, ...)

Parallèlement, le travail d’information doit se poursuivre, et le SNES-FSU doit en particulier :

 Diffuser des analyses présentant les menaces concrètes sur le métier et le statut du second degré que présentent les EPLE SF (échanges de services, réunionite, mise en cause de la qualification disciplinaire et de la liberté pédagogique). Il faut donner de la chair au concept d’école du socle et à ses finalités, en s’appuyant par exemple sur le vécu des collègues en REP/REP+.
 Engager les personnels à exprimer et diffuser leur rejet du projet Dussopt à l’occasion du passage du projet de loi au Conseil des ministres le 27 mars.
 Se mandater pour obtenir une journée nationale d’action (grève et manifestation) sans attendre le mois de mai, dans un cadre intersyndical large. 
Voté à l’unanimité.