UNIVERSITE DE LILLE 1 EN ACTION
Pour une autre réforme des retraites

Lettre ouverte à nos concitoyens
d'autres réformes des retraites sont possibles

Le Gouvernement Raffarin cherche à imposer une réforme du système des retraites et des pensions comme « la seule voie possible ». Il est vrai que le système doit être adapté aux variations démographiques mais cette réforme n'est pas la seule possible et, surtout, l'argument "qu'elle permet de sauver notre système de retraite actuel" est faux : au contraire, cette réforme porte un coup fatal au système de retraites par répartition.

Cette réforme s'inscrit dans la logique des réformes Balladur de 1993 (décret du 22 juillet), qui ont fortement déséquilibré le rapport privé/public et introduit le système de décote. Elle prévoit :

* Une hausse de la durée de cotisation, d'abord dans le public, pour la faire converger en 2008 avec les 40 ans du privé, puis dans le privé et le public, pour atteindre 41 ans pour tous en 2012 et 42 ans en 2020.

* Une indexation des retraites sur l'inflation et non plus sur le niveau de vie, tant pour ce qui est du calcul de la pension initiale, que pour ce qui est de sa réévaluation par la suite.

* Des pénalités (décotes) pour tous ceux qui ne valideront pas le nombre de trimestres nécessaires

* La défiscalisation de l'épargne placée sur des produits type « plan d'épargne retraite » (fonds de pension).

Cette réforme conduit à diminuer le montant des pensions qui sera effectivement versé.

Directement. L'indexation sur l'inflation a deux effets : 1) une baisse progressive mais très élevée du taux de remplacement (première pension /dernier salaire ou pension initiale)  qui atteindra 20% d'ici 2040 ; 2) un décrochage progressif mais profond du pouvoir d'achat relatif des pensions par rapport aux salaires (non réévaluation effective).

Indirectement. Il va devenir quasi-impossible de valider une carrière complète, dans un contexte de précarisation de l'emploi et de chômage massif (le taux d'activité après 55 ans est de 30% (!), allongement de la durée des études). L'allongement de la durée de cotisation requise couplé à l'instauration d'une très forte décote (allant de 5% à 10%) par année non cotisée va baisser encore davantage le niveau des futures pensions.

Cette réforme ouvre alors la porte à la mise en place d'un système par capitalisation : les salariés vont perdre confiance dans le système par répartition (puisque leur pension va baisser) et, ceux qui le pourront, chercheront à pallier cette baisse en plaçant une épargne croissante sur des « fonds communs défiscalisés » mis en place par le gouvernement. On « glissera insidieusement » vers un régime par capitalisation.

Or, la capitalisation est un système fondé sur l'épargne privée : chacun place une part de ses revenus afin de les faire fructifier et d'en profiter plus tard en « désépargnant ». Ce sont donc encore les salariés qui payent. Mais ce système est :

ª Sans garantie de revenus futurs. Cela dépend des cours en bourse (cf. ENRON, Vivendi, France Télécom). Rappelons que la valeur des actions a baissé de moitié depuis 2000 !

ª Sans solidarité : seuls les hauts revenus peuvent dégager de l'épargne, et aucun mécanisme de péréquation en faveur des bas salaires ne peut être mis en place.

ª Sans pilotage collectif : le système par capitalisation fait jouer aux pensions le rôle d'unique variable d'ajustement alors que, dans un système par répartition, on peut, de manière immédiate et réversible, décider collectivement et démocratiquement de faire varier le volume des cotisations, plutôt que le niveau des pensions.

ª Sans efficacité économique : le rendement d'un régime par capitalisation est plus faible car plus coûteux à faire fonctionner (juteux salaire des traders et autres intermédiaires).

ª Sans efficacité démographique : Un tel régime ne règle évidemment pas le problème démographique : il s'agit toujours de partager le produit du travail des actifs d'une période donnée. On ne cotise jamais pour sa propre retraite, on engrange des droits sur la production future et la valeur de ces droits dépendra du volume de cette production, quel que soit le système.

OUI, une autre réforme est possible

Oui, la hausse du rapport retraités/actifs pose la question de l'équilibre du régime, mais elle peut être compensée par la baisse, 1) prévisible, des charges de famille (il y aura moins d'enfants) et par celle, 2) envisageable (par un gouvernement qui s'en donnerait les moyens), des pertes que génère un chômage massif. Au total, le rapport non actifs/actifs est en réalité stable sur la même période ! Il s'agit simplement de partager le gâteau, non pas entre plus de personnes, mais entre des personnes différentes.

Oui, la charge des retraites va augmenter, mais pas plus que par le passé. De 1960 à 2000, le poids du financement des retraites est passé de 6,5 à 12, 5 % du PIB, complètement assumé par le régime par répartition. De 2000 à 2040 l'augmentation sera du même niveau ! Le poids des retraites (en revenant sur la réforme Balladur, en maintenant le niveau des pensions et la durée de cotisation à 37,5 ans) passerait ainsi de 12,5 % à 18,5 % du PIB.

Oui, l'allongement de la durée de vie coûte cher, mais nous sommes toujours plus productifs. Le PIB va doubler d'ici 2040 ce qui nous permet de gagner du temps libre !

Une hausse de 6% de la part du PIB à consacrer au financement des retraites, sur 40 ans, avec un PIB qui double : où est la fatalité démographique ?

Concrètement, comment faire ?

L'équation d'équilibre d'un système de retraite est la suivante :

Taux de cotisation = Niveau des pensions x Rapport de dépendance (retraités/actifs)

Pour garantir un niveau de pension identique et malgré la hausse du rapport de dépendance, il y a une bonne solution : la hausse du taux de cotisation ! Cette hausse a été chiffrée par le Comité d'Orientation des Retraites (pour le cas où l'on abrogerait la réforme Balladur) :

Pour maintenir la durée actuelle de cotisation et le montant des pensions,
il suffit d'augmenter le taux de cotisation de 0,37% par an !!!

Pour cela deux pistes sont envisageables, pas forcément exclusives l'une de l'autre :

1- Financement par les seules cotisations sociales

Les salariés supportent toutes les hausses de cotisations : c'est injuste mais cela permet de réfuter l'argument de la perte de compétitivité des entreprises, puisque cela ne renchérit pas le coût du travail. En maintenant un taux de remplacement identique, les actifs verraient leur niveau de vie augmenter de 55% en 40 ans, au lieu des 68% qu'ils auraient pu obtenir en laissant se dégrader le taux de pension. Ils « perdent » donc une augmentation de 13% de leur revenu direct : est-ce si lourd pour se garantir une bonne retraite dont on profitera plus longtemps ?

2- Financement par élargissement de la base de prélèvement

L'évolution du partage de la valeur ajoutée (plus 8% pour le capital en 10 ans) fait apparaître des marges de manœuvre. Une hausse des cotisations (même lorsqu'il s'agit de la part patronale) se traduit cependant toujours par une baisse du salaire net. Pour pallier ce problème, il faut élargir l'assiette des cotisations, c'est-à-dire : développer un financement fiscal du système de retraite qui pèserait sur tous les revenus (ceux du capital, notamment les dividendes aux actionnaires, et ceux du travail) et permettrait ainsi de mieux répartir la charge entre les différents agents économiques. On entre alors dans une réforme plus structurelle…

Des voies existent pour financer dignement les retraites sans régression sociale :
c'est au monde du travail et à ses représentants d'exiger enfin de les emprunter !

Collectif USTL en Action (Université de Lille 1)
avec ses enseignants-chercheurs en économie.

Références : fondation-copernic.org et CORE (Commissariat au Plan)

 

Université de Lille 1 en action Retraites : Privé-Public même combat

 

Les économistes de l'université prennent parti 

 

Liquidation Totale