Depuis plus de deux mois, le pays connaît un mouvement social sans précédent contre un projet de réforme des retraites dont la majorité des français a très bien compris qu’elle n’a pour objectif que de les faire travailler plus longtemps pour des pensions plus faibles. Cette réforme est une attaque majeure contre les solidarités et s’inscrit dans la droite ligne des mesures régressives prises par le gouvernement depuis plus de deux ans. La FSU a contrario défend un modèle social de haut niveau, fondé sur la solidarité et non sur l’individualisation et, ce faisant, un idéal démocratique qui n’oppose pas souveraineté politique et démocratie sociale. La réforme présentée qui n’a rien d’universel, de plus juste ou de plus simple pénalise lourdement les personnels de l’Education Nationale au premier rang desquels les femmes. La campagne de communication, relayant abondamment informations fausses, approximations et cas-types fantasmés n’a convaincu ni les personnels, ni le Conseil d’Etat qui juge l’étude d’impact de la réforme ni sincère, ni objective, ni précise, ... ni « soutenable financièrement ». Quant aux compensations salariales évoquées, elles ne compensent ni l’effondrement des retraites, ni le déclassement des personnels eu égard à leur niveau de formation et leur l’investissement et reposent sur des contreparties notamment en temps de travail inacceptables.
Alors que se prépare la rentrée 2020 dans un contexte de pénurie de moyens avec des mobilisations nombreuses contre les DGH, alors qu’une mobilisation importante est en cours dans les lycées contre des E3C qui réussissent à faire la quasi-unanimité contre eux, alors que les mobilisations contre la réforme des retraites se poursuivent, le président et ses ministres refusent de voir, d’entendre et d’écouter. Il est plus que temps que ce déni de réalité cesse. Comme doivent cesser les méthodes inacceptables pour museler la contestation. M. Blanquer a déclaré il y a quelques jours qu’il souhaitait « un débat apaisé » et qu’« il ne se payait pas de mots »:il est grand temps qu’il passe alors aux actes.
Concernant la préparation de rentrée, les LGT payent un lourd tribut avec une suppression de 139 ETP, supportée par un peu plus de 60 LGT, 11 d’entre eux supportant plus de la moitié des suppressions. Difficile de ne pas y voir un effet réforme d’autant que ce sont les LGT avec STI2D qui sont les plus touchés. Dans les faits, les lycées généraux et technologiques doivent gérer la pénurie organisée de moyens : des choix se font au détriment des conditions de travail des élèves et des enseignants tels que des dédoublements impossibles, de l’accompagnement personnalisé fantôme, la disparition du groupe classe en 1re et terminale, des équipes pédagogiques explosées et la disparition de certaines spécialités en terminale à très court terme … Après 6 mois de mise en oeuvre qui laissent les personnels exsangues, les élèves et les familles désorientés et en colère, la baisse des moyens prévue résonne comme une provocation.
En LP, le discours de prétendu « prestige » proclamé par le ministre Blanquer est en contradiction totale avec les décisions ministérielles et les injonctions sur le terrain. Que ce soit au niveau de la conception des diplômes, des programmes et de la mise en place de la réforme, tout se fait dans un mépris total du dialogue social et des personnels. La réforme de la voie professionnelle entraine de lourdes conséquences sur les conditions de travail des personnels, ce qui a été confirmé par le CHSCT ministériel. Les PLP sont fatigués et lassés face aux multiples injonctions. Certes, pour la rentrée 2020, les dotations sont globalement en augmentation, mais elles s’avèrent encore insuffisantes pour avoir un taux d’encadrement efficace notamment en ce qui concerne les dispositifs pédagogiques imposés (co-intervention, chef d’oeuvre). Pour une véritable ambition pour la voie professionnelle, il faut d’une part de postes en lycées professionnels , ce qui permet de réduire le nombre d’élèves par classe et de favoriser l’acquisition des connaissances, mais il faut aussi mettre en place du temps de concertation pour
construire des enseignements et des projets efficaces afin que les élèves puissent accéder à un premier niveau de qualification reconnu par un diplôme, condition essentielle pour réellement sécuriser leurs parcours scolaire et professionnel. Sans cela, le « prestige » de la voie professionnelle tant prôné restera un écran de fumée pour mieux cacher la destruction méthodique de la formation professionnelle sous statut scolaire.
Dans les collèges, la prise en compte de l’IPS, à enveloppe constante, aboutit à faire de l’éducation prioritaire une variable d’ajustement dans l’allocation des moyens : la volonté est claire de mettre en oeuvre les préconisations du Rapport Mathiot/Azéma, en totale rupture avec le choix de conserver la labellisation EP et une gestion nationale de la politique d’éducation prioritaire de la Refondation de 2014. Au final les taux d’encadrement restent dégradés, ou se dégradent de façon plus sensible en REP et REP+, et les élèves en ULIS ne sont pas comptabilisés dans les effectifs des collèges et des classes qui les accueillent en inclusion, ce qui était pourtant prévu par la loi « école de la confiance ».
Quant aux Segpa, leur dotation diminue constamment dans le but de faire des économies.En freinant la pré-orientation en segpa par des biais inacceptables, en incluant entièrement les élèves de sixième segpa -au mépris de leur souffrance, de celle de leurs camarades et des personnels- c’est chaque année l’avenir de dizaines d’enfants en difficultés graves et durables qui est compromis. C’est une violence éducative et sociale qu’à la FSU nous continuerons de dénoncer.
Dans le 1er degré, il est difficile de croire à la priorité dont il ferait l’objet. Alors qu’il faudrait créer nationalement, 20 000 postes pour enfin atteindre le nombre d’élèves moyen par classe des pays de l’OCDE, le Ministre de l’Éducation n’en crée que 440… Et notre académie est touchée par la suppression de 83 postes en raison d’une baisse démographique de 1,6%. Il aurait pourtant été plus judicieux de saisir cette baisse pour améliorer significativement les conditions d’enseignement à tous les niveaux.
Les personnels administratifs perdent eux 17 ETP , ce qui continue à dégrader les conditions de travail des services administratifs.
Quant aux psyEN les inquiétudes sur le devenir des CIO crée une atmosphère particulièrement anxiogène pour les personnels. En outre si la loi Pour la liberté de choisir son avenir professionnel sépare bien les missions de l’Etat (accompagnement des élèves dans la construction de leur projet) et celles de la Région (information sur les métiers et les formations), de nombreux flous demeurent et des dérives apparaissent. En effet, jusqu’à présent l’égalité d’accès à la qualité de l’information était certifiée par l’Onisep. Quelles sont les garanties aujourd’hui qu’envisage la Région pour que cette information soit faite avec des contenus de qualité, objective, à l’abri des lobbys et des pressions en tous genres ? Pour ce qui est de l’accompagnement à l’orientation, aucun personnel ne peut s’improviser psyEN : l’avenir des jeunes mérite mieux que le bricolage qui se développe dans un certain nombre d’établissements en brouillant les compétences professionnelles de chacun. Une bonne partie des missions d’accompagnement à l’orientation est transférée aux enseignants et marginalise les psyEN dont le ministère réduit drastiquement les recrutements. Enfin, la dématérialisation des procédures en 3e de par les inégalités d’accès et d’usage à l’informatique ainsi que dans l’accompagnement familial risquent de pénaliser les jeunes les plus fragiles.
Autre point à l’ordre du jour : la carte des formations professionnelles gérée au niveau de la région académique. Cette carte est étudiée dans un cadre budgétaire contraint qui n’a pas permis à de nombreux dossiers ayant reçus des avis positifs de toutes les instances de se concrétiser. Ainsi sur 80 dossiers avec avis favorable, seulement 30 se réaliseront. Des élèves ne pourront pas avoir accès à des formations qui ont montré toute leur utilité pour les entreprises et pour les jeunes en formation. Cette situation est d’autant plus inacceptable que des ouvertures auraient pu être proposées dans des établissements qui perdent des formations ou des divisions (Lycée Paul Duez Cambrai, LP des deux Caps Marquise, …) et que la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a pour objectif de libéraliser le « marché » de la formation professionnelle initiale, selon les termes du gouvernement. Les formations professionnelles de l’Education nationale dont la qualité est garantie par des programmes nationaux et des évaluateurs
permanents, sont en concurrence directe avec les formations des CFA privés (centres de formation des apprentis) . Ainsi, les CFA privés dont la qualité de la formation sera évaluée ultérieurement, vont pouvoir proposer des formations sans l’agréement de l’Education nationale et sans celui du Conseil Régional. Avec cette loi, pour les apprentis, les règles encadrant le contrat d’apprentissage se calquent sur celles des lois travail : davantage de flexibilité et des droits restreints. La FSU rappelle son opposition au développement de l’apprentissage, qui renforce les déterminismes sociaux et culturels liés à la représentation genrée des métiers, à l’origine sociale et au lieu de vie du jeune. L’apprentissage répond à un besoin patronal à court ou moyen terme mais pas aux besoins en formation de tous les jeunes. Cette mission de service public est assurée par la formation professionnelle sous statut scolaire fragilisée et mise en danger par la nouvelle loi.
De plus, l’objectif affiché est de développer l’apprentissage dans l’EN mais nous ne nous prononcerons pas sur ce sujet et nous ne serons même pas informés des formations en apprentissage de notre académie. Il est vrai qu’elles sont assurées par des enseignants en heures supplémentaires. Rappelons que la FSU comme les personnels sont opposés aux parcours mixés et au mixage des publics, qui ne permettent pas de réaliser un travail de qualité pour les élèves et les apprentis.
Quant aux campus des métiers, on retrouve la même logique de formations mixées et de publics mixés. Si ces campus permettent de mettre en lumière des filières de formation en tension, ils donnent cependant l’impression que des formations publiques et privées sont d’égale qualité et assurent les mêmes garanties en termes d’égalité de traitement des élèves. Avec le soutien de l’Education nationale, des formations gratuites et payantes (à des prix exorbitants pour certaines) sont promues au même niveau. Pour la FSU, l’Education nationale ne peut pas promouvoir des structures privées qui sont en concurrence directe avec elle-même. La libéralisation de la formation professionnelle ne peut s’accommoder des partenariats publics- privés qu’au détriment de l’Education nationale. Ce que nous ne pouvons pas accepter.
L’Education Nationale ressemble de fait de plus en plus à l’Hôpital public : des missions dénaturées ou transférées au privé, des personnels écrasés de travail, en souffrance, et qui ne peuvent pas bien remplir leur mission de service public, celle de faire réussir tous les élèves…Condition pourtant indispensable pour une société plus juste.
26 février 2020