Devenir des REP et REP+, PIAL et inclusion, « Calais territoire bilingue »
Depuis 2 ans, nous faisons le constat d’une transformation à marches forcées de l’Education Nationale à coups de réformes imposées, et le CDEN d’hier a permis à la FSU d’exposer celles-ci de manière exhaustive (réformes du lycée et du bac, orientation, etc.)
Nous souhaitons, à l’occasion de ce CTSD Pas-de-Calais, revenir d’abord plus longuement sur le sort qui serait réservé à l’éducation prioritaire, car il nous paraît très représentatif des choix idéologiques et budgétaires qui président à l’action publique en matière d’Éducation.
Au collège, où nos collègues font face à des effectifs chargés, subissent les effets de la mutualisation des AESH en constatant qu’elle ne se fait pas au bénéfice des élèves, continuent à endurer les effets délétères de la réforme du collège et de son assouplissement sous le vocable « d’autonomie », il va falloir ajouter le démantèlement annoncé de la politique d’éducation prioritaire mises en place au début des années 80.
La nouvelle gouvernance préconisée par le rapport Mathiot-Azéma vise clairement à outiller l’échelon académique au nom d’une « nouvelle grille territoriale » qui encouragera la délabellisation des REP. Au lieu d’une politique d’éducation prioritaire prenant appui sur des indicateurs sociaux, tous les particularismes territoriaux pourront entrer en jeu, notamment ceux de la ruralité avec le nouvel indice d’éloignement des collèges (des structures éducatives, culturelles et sportives). Dans le cadre d’un budget contraint, il s’agit donc bien d’un redéploiement des moyens des REP qui, compte-tenu de la configuration spatiale et sociale de notre académie, et du département du Pas-de-Calais en particulier, ne peut aboutir qu’à une dissolution géographique de l’Education prioritaire.
La mise en place des cités éducatives est l’autre volet du désengagement, puisque le maintien de la labellisation est prévu dans la logique de territorialisation des politiques éducatives qui, sous prétexte de cohérence, veut diluer l’action publique dans les quartiers et la placer sous tutelle des pouvoirs locaux et du monde de l’entreprise : c’est cela l’alliance des acteurs de l’éducation, où l’acteur principal, le service public d’Education, risque de jouer les seconds rôles dans une construction essentiellement bureaucratique, très éloignée des préoccupations de nos collègues sur le terrain, professionnels de l’éducation ramenés à leur simple conditions d’adultes, tandis que la réussite des élèves céderaient la place au parcours de l’enfant : quelle ambition pour les familles des quartiers les plus défavorisées ! Quel abandon ! Et quel cynisme également, lorsqu’il s’agit d’appeler à la mise en place d’une école du socle dont la structuration législative a échoué au printemps, et dont personne ne veut, sauf la cour des comptes dont les derniers rapports sont la matrice des mesures en préparation, économies budgétaires obligent.
L’expérimentation « Calais territoire bilingue » illustre bien les problèmes posés par cette territorialisation des politiques éducatives : l’accès à la maîtrise des langues étrangères dès le plus jeune âge (objectif louable, notamment sur le bassin du Calaisis) mériterait autre chose que des effets d’annonces à quelques mois des élections municipales : des personnels qualifiés et donc une vraie formation initiale et continue dans le cadre disciplinaire, des moyens horaires programmés sur plusieurs années, fléchés en heures d’enseignement pour travailler en effectifs réduits. Sans moyens dédiés, il n’y a pas d’ambition éducative.
Dans le premier degré, la poursuite des dédoublements en CP/CE1 est positive -mais doit être confortée-, ce qui demande des moyens dédiés et suffisants. Elle ne doit pas se faire, en outre, au détriment des autres niveaux et ne doit ni porter atteinte aux maternelles, ni faire disparaître un autre levier de réussite tel que les « plus de maîtres que de classes » .
La mise en place des Pial via la loi Blanquer, quant à elle, rate son objectif d’assurer la prise en charge du maximum d’élèves en situation de handicap. Quotités d’accompagnement réduites, saupoudrage de l’accompagnement, rupture du lien élève-AESH, instabilité pour l’élève…. et déni des véritables conditions de travail des AESH. Citons par exemple les retards importants dans le versement des salaires, le travail sur plusieurs niveaux, plusieurs lieux avec des temps partiels imposés pour, souvent, un salaire les plaçant sous le seuil de pauvreté ou encore les injonctions à ne pas créer de lien avec l’élève ou à ne pas avoir d’activité complémentaire pour être parfaitement disponibles ... La FSU, avec l’intersyndicale, sera d’ailleurs mobilisée aux côtés des AESH le 20 novembre prochain à Lille et Arras.
Toutes ces « réformes » associées à des pratiques managériales, souvent contraires aux missions du service public, créent une souffrance au travail chez les personnels que personne ne peut plus nier. Les mobilisations suite au suicide de C.Renon comme les avis des différents Chsct –dont la suppression est pourtant programmée- en attestent.
Pour la FSU, le temps n’est plus à tergiverser. Les préoccupations actuelles de tous les personnels doivent être entendues et des mesures doivent être mises en œuvre pour améliorer leurs conditions de travail. Celles de directeurs et directrices sont connues, tout comme celles des adjoints et adjointes. C’est la raison pour laquelle, les représentant.es de la FSU ont joué tout leur rôle syndical et ont remis au ministre 15 mesures urgentes à prendre. D’autres doivent aussi être mises en discussion car indispensables pour que chacune et chacun puissent remplir ses missions essentielles : aide à la direction et au fonctionnement de l’école, augmentation des décharges, rémunérations, formation initiale et continue. Des mesures doivent également être prises de toute urgence pour l’ensemble des personnels de l’Education Nationale.
Les annonces en matière de budget de l’Education pour la rentrée 2020 n’éclaircissent pas non plus l’horizon : suppressions massives de postes dans le second degré, baisse des crédits pédagogiques, suppression de la moitié des fonds sociaux, ce qui aura de lourdes conséquences pour nombre de familles du Pas-de-Calais.
Terminons par le projet de réforme des retraites, projet où tous, public et privé, sont perdants mais où les personnels de l’Education Nationale ont cependant le plus à perdre, toutes les analyses le montrent.
Toutes les raisons donc, pour la FSU, d’être massivement en grève le 5 décembre prochain. Parce que nous ne pouvons accepter des choix politiques qui tournent le dos à toute forme de solidarité, qui renoncent aux ambitions de démocratisation et de réduction des inégalités et qui même attisent cyniquement tensions et rejet de l’autre.