Lettre ouverte a

M le Recteur de l’Academie de Lille

Les Inspecteurs d’Académie Directeurs Départementaux de L’Education Nationale du Nord et du Pas-de-Calais et vous-même avez demandé aux professeurs de 3e de renseigner des fiches de positionnement des élèves, censées faire état de « l’ensemble des savoirs, savoir-faire et savoir-être des élèves ». 

A une très large majorité, nous, professeurs du collège de Grenay, avons refusé de les remplir.

Ce système de notation, qui représente un surcroît de travail inutile, nous est imposé dans la précipitation, à la fin de l’année, alors qu’il devrait évaluer les élèves depuis septembre. Comment, dans ces conditions, tenir compte des progrès réalisés ? Comment avoir un jugement objectif, s’appuyant sur des contrôles réguliers tout au cours de l’année ?

 
Cette évaluation repose sur des bases fragiles. Qui ignore en effet qu’un élève peut se comporter différemment d’un cours à l’autre ? Il est très difficile de rendre compte de la sociabilité ou de la maîtrise de soi d’un individu par l’évaluation si peu nuancée qui nous est proposée. Il s’agit de ramener des jugements complexes, qui doivent se discuter avec le conseiller principal d’éducation, les parents d’élèves et le conseiller d’orientation-psychologue, à des données facilement intégrables par un ordinateur.

Ces grilles de positionnement ont l’objectif affiché de remplacer l’orientation d’après la notation réalisée par les professeurs. Bien sûr, il s’agit d’un dispositif expérimental, et on tiendra compte des résultats scolaires encore cette année, mais l’idée est d’orienter tous les élèves uniquement grâce à ces grilles dès l’an prochain.

Or, elles ne prennent nullement en compte « l’ensemble des savoirs ». Toutes les connaissances disciplinaires sont évacuées. Comment peut-on faire accroire que de telles connaissances n’auront aucune part dans la réussite des élèves dans la suite de leurs études ? Faire fi des connaissances disciplinaires, c’est accroître les différences entre ceux qui savent pertinemment qu’elles sont utiles- et les autres. Voulons-nous une école qui maintienne l’égalité des chances ou un système éducatif à deux vitesses, une territorialisation des savoirs ?

 
Nous refusons de cautionner une évaluation arbitraire et inégalitaire.

Nos élèves n’ont pas mérité ça !