Alors que Madame le Recteur se targue, en réunion de rentrée, du bienfait des fusions rendant les Centres d’Information et d’Orientation « plus efficaces et mieux identifiables », la réalité sur le terrain est tout autre !
Depuis ces deux dernières années, les CIO font l’objet d’un projet de refonte de leur carte d’implantation s’inscrivant dans la politique de démantèlement massif et éhonté des services de l’Education Nationale par le Rectorat et, plus généralement, le Gouvernement. Ce projet fait suite au désengagement financier du Conseil Général du Nord pour les CIO à gestion départementale, mais il prépare également la mise en place de la labellisation et permet, sur le dos de la profession, les désormais habituelles économies régissant les politiques académiques et nationales.
L’année scolaire dernière, plusieurs CIO ont vécu le passage difficile à la fusion (les 4 CIO de Lille regroupés dans le centre, les CIO de Dunkerque et Saint Pol-sur-mer regroupés à St Pol-sur-mer et les CIO de Maubeuge et d’Avesnes-sur-Helpes regroupés à Maubeuge). Et ce n’est pas fini ! Le Rectorat compte bien venir à bout de ce projet en fusionnant, cette année scolaire, la quasi-totalité des CIO restants dans le département. Les CIO de Seclin et Villeneuve d’Ascq, ainsi que ceux de Lomme, Armentières et Haubourdin sont les prochains sur la liste imminente ! A l’échelle départementale, c’est alors 10 CIO qui remplaceraient les 22 originellement en place, pour répondre aux missions toujours plus complexes et accueillir un public toujours plus demandeur ! Alors que le réseau des CIO constituait un véritable service de proximité, quadrillant l’académie de manière judicieuse, les fusions affaiblissent sa visibilité. En effet, sur certains secteurs, les usagers doivent désormais doubler leur nombre de kilomètres pour pouvoir se rendre dans le CIO le plus proche. De plus, aucune communication n’a été réalisée par le Rectorat concernant l’implantation des nouveaux CIO. Nombre d’usagers se présentent ou téléphonent donc encore aux anciennes adresses où ils apprennent, dépités, qu’il faut se rendre à l’autre bout de la ville ou encore du bassin pour être reçus ! Comment ne pas s’insurger alors du transfert de moyens lorsqu’on entend les discours de l’administration sur la nécessité de développer un « réseau de proximité » et de créer des permanences délocalisées pour aller à la rencontre du public et pour travailler à une meilleure couverture du territoire !
Par ailleurs, par ces mesures, le Rectorat enfonce la profession dans l’incapacité de fournir un service optimum aux usagers. Les équipes survivent dans des locaux exigus, passant parfois de 10 à 30 collègues dans des bâtiments ne pouvant accueillir tout le monde en même temps ! Les conseillers d’orientation-psychologues, sans bureaux personnels, se retrouvent à partager les petits espaces ou, au pire, à fonctionner en open-space à usage multiple (permanence téléphonique, salle de travail personnel, réunion, etc.). Dans des conditions comme celles-ci, comment les personnels, titulaires d’un titre de psychologue, peuvent-ils garantir la confidentialité de leurs entretiens à leur public ? Les CIO rencontrent également une diminution invraisemblable des budgets qui les conduit à ne plus disposer du matériel minimal pour remplir leurs missions. Les centres doivent alors, par exemple, faire le choix de résilier des abonnements à des revues scientifiques ou encore repousser les commandes de tests psychologiques nécessaires à la pratique des conseillers d’orientation-psychologues.
Enfin, le recrutement annuel national de 65 postes pour couvrir 300 départs à la retraite amène irrémédiablement, et depuis plusieurs années, à un épuisement de la profession. Avec les fusions de CIO, les petites équipes de proximité laissent la place aux grandes… dans lesquelles les postes non pourvus, voire même supprimés en ce qui concerne les directeurs de CIO et les personnels administratifs, se fondent et sont rendus moins visibles. Une semaine après la rentrée, encore 12 postes de conseillers restent vacants dans les centres de l’académie. Le Rectorat annonce qu’il lance une phase de recrutement de personnels contractuels. Il est cependant étonnant de constater que, pour fusionner des structures, il sait parfaitement prendre les devants (certaines équipes de CIO avaient reçu leurs arrêtés de réaffectation sur des nouveaux CIO ne prenant effet… que plusieurs mois plus tard !) mais quid de l’anticipation des postes vacants ? Alors que les besoins sur le terrain sont bien connus de toute la profession et que Monsieur le Chef des services académiques d’information et d’orientation annonçait, en instance officielle, qu’il renouvellerait les contrats dès le mois de juillet, le Rectorat n’a pas de scrupules à laisser une rentrée débuter avec des équipes amputées !
Ce recrutement de contractuels pose également question. En effet, il ne peut être viable que dans son caractère temporaire. Il est nécessaire de revenir à un recrutement national massif de titulaires. La profession se tourne alors vers le Ministre de l’Education Nationale qui annonçait, dans son dossier de presse de rentrée, une augmentation du nombre de postes aux divers concours, dont celui de CO-Psy. Nous espérons ne pas avoir affaire à un effet d’annonce même si la hausse devra être considérable pour pallier les manques laissés par de nombreuses années d’asphyxie. Sur l’académie, en attendant de nouvelles nominations dans les CIO, la décision revient alors aux Directeurs de couvrir l’ensemble des établissements scolaires (un conseiller d’orientation-psychologue partage en moyenne son temps entre le CIO et 2, voire 3, établissements scolaires du second degré), surchargeant alors, par exemple, les collègues d’un établissement supplémentaire et les laissant s’éparpiller encore davantage dans les missions toujours plus nombreuses, tout en masquant les difficultés de recrutement. Ou, et là est la position du SNES, ils peuvent prendre le parti de ne pas couvrir les manques de l’administration laissant, néanmoins, de nombreux établissements sans professionnel d’orientation. Dans tous les cas, la profession est en bien mauvaise posture !
A un niveau éthique, cette politique de saccage du service public d’orientation de l’Education Nationale occulte la place charnière et centrale que prennent les CIO dans la construction des projets des jeunes, leur projection dans l’avenir, la lutte contre le décrochage scolaire, l’accueil neutre et le regard expert quant aux problématiques de l’adolescent, du handicap, des projets scolaires, etc. Ce sont une fois de plus les usagers qui en subissent les conséquences.
Alors, dans ces conditions, nous pouvons dire sans peine : Non, Madame le Recteur, la fusion des CIO n’est pas une réussite !
Communiqué du 13/09/2012
Par Yann Bonenfant et Caroline Laurent, représentants SNES-FSU