Constitution Européenne
Pour que l’organisation de l’économie reste du ressort du débat politique, Nous Votons « non » !
Le Traité Constitutionnel, sur lequel portera le référendum français du 29 mai, comporte quatre parties. Même si le débat médiatique se focalise sur les parties 1 et 2, il faut prendre la totalité au sérieux : chaque partie est pleinement constitutive du cadre juridique général dans lequel devra s’inscrire toute politique communautaire et nationale, si le Traité est ratifié par l’ensemble des Etats membres de l’Union.
Or, la partie 3 (qui traite des questions économiques) n’est pas qu’un simple cadre institutionnel à l’intérieur duquel pourraient s’élaborer démocratiquement des options de politiques économiques (structurelles et conjoncturelles) véritablement différentes ; c’est la description, par le menu, d’une option très précise : le néolibéralisme. Constitutionnaliser un modèle très particulier d’organisation et de gestion de l’économie : voilà qui est pour le moins surprenant dans un espace politique démocratique !
Sur le plan de la politique économique, l’inspiration de la Partie 3 est clairement monétariste : interdiction des déficits budgétaires, indépendance d’une Banque Centrale ayant comme unique objectif la lutte contre l’inflation, flexibilisation du marché du travail, etc. C’est la même inspiration qui a guidé toutes les politiques économiques, en France et en Europe, depuis plus de 20 ans. Or, en matière de croissance et d’emploi, son bilan n’a rien de glorieux. Poursuivre dans cette voie n’est aujourd’hui encore qu’un choix politique : un changement de majorité peut radicalement le modifier. Mais qu’en serait-il si le Traité Constitutionnel était ratifié ?
Sur le plan plus général de l’organisation économique et sociale, ce Traité Constitutionnel impose à vrai dire un véritable modèle libéral de société. Hissée explicitement par le Traité au rang d’un objectif de l’Union, la concurrence « libre et non faussée » devient l’alpha et l’oméga de l’organisation de secteurs de plus en plus nombreux, sans épargner les services publics. Le bilan des privatisations en rafales pratiquées depuis 20 ans dans l’ensemble des infrastructures économiques (eau, électricité, transport, télécommunication...) est désastreux. Or, le Traité avalise ces politiques passées et ne précise aucune limite à l’extension de cette logique dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la protection sociale - extension qu’une quelconque « directive Bolkestein » se chargera sans doute de mettre en musique tôt ou tard.
Les partisans du « oui » rappellent que l’orientation monétariste et libérale de la politique économique n’est pas nouvelle : le Traité Constitutionnel n’est sur ce point qu’une simple compilation des traités antérieurs ! A les entendre, il y aurait statu quo sur le plan économique, mais avancées sur le plan social (reconnaissance des syndicats, droit de grève, ...). Une lecture scrupuleuse du texte fait pourtant clairement apparaître que ces « avancées sociales » ne sont que ponctuelles, imprécises et bien peu contraignantes. Un exemple parmi tant d’autres : « Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale de travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés » (II - 91). Est-ce là un réel contrepoids social au carcan étendu, précis et contraignant du libéralisme économique ?
C’est justement parce que ce Traité Constitutionnel s’inscrit dans la continuité de ce qui a été mis en œuvre en Europe depuis le virage néo-libéral des années 1990 que nous disons non. La démocratie est aussi la possibilité de ne pas toujours avaliser ce qui existe mais d’exprimer une opposition et de se donner la possibilité de défendre des alternatives : notre non est un non démocratique, européen, et un non pour l’avenir.
A l’initiative d’économistes à l’Université Lille 1 : Laurent Cordonnier, Nicolas Postel, Richard Sobel, Franck Van De Velde, Jean Gadrey, Florence Jany-Catrice, Farida Djellal, Hadjila Kriffa, Faïz Gallouj, Henri Philipson, Christian Sches, Camal Gallouj, Pascal Cuvelier, Bertrand Zuindeau
Soutenue par des universitaires et chercheurs du Nord Pas-de-Calais (premiers signataires) : Michel Simon, Dominique Duprez, Roland Delacroix, François Denord , Lise Demailly , Geneviève Cresson, Bernard Convert, Claude Wagnon, Saïd Bouamama, Nicole Gadrey ,Valérie Deldrève (Sociologie) ; Laurent Bazin (Anthropologie) ; Nathalie Ethuin (Sciences Politiques) ; Jean-Claude Liquet (Gestion) ; Hassina Zeghlache, Christophe Seguinot, Moussa Naït-Abdelaziz, Anne Biolluz, Jean Cortois, Jean-Yves Balois , Claudine Vanbauce (Physique) ; Jean-Claude Darcheville (Psychologie) ; François Lescure, Bernard Callenaere, Marc Rogalski (Mathématiques) ; Fréderic Hogstoel (Informatique), Jean-Pierre Bohin (Biologie), Fabrice Cuvillier (EPS), Mari-thérèse Eychart (Communication) ; Marielle Cuvelier, François Horn, Sophie Boutillier, Blandine Laperche, Dimitri Uzunidis (Economie) ;...