11 novembre 2007

Le Snes-FSU dans l’Académie

Déclaration FSU CTPA du 9 novembre 2007

Déclaration FSU à propos de la lecture de la lettre de G. Môquet et courrier de l’IA aux écoles.

Durant ces dernières semaines, des événements de natures différentes nous amènent à nous interroger sur le sens que l’on entend donner à l’enseignement en ce début de XXIe siècle.

Le premier est la circulaire sur la lecture de la lettre de G Moquet.

Le SNES a appelé les enseignants à organiser le refus collectif de la lecture de cette lettre le 22 octobre. Il l’a fait en accord avec de nombreux historiens, notamment de la période et même de résistants. On peut noter que la principale association professionnelle a également émis de fortes réserves.

Pour le SNES, et sans développer à nouveau l’ensemble de l’argumentation, cette décision était partisane et pédagogiquement contestable.

Partisane car elle s’inscrivait dans une lecture de l’histoire énoncée durant la campagne, qu’il ne nous appartient pas de contester ici, mais qui ne saurait être imposée à des millions de jeunes de ce pays. Le président dans le discours qu’il a prononcé pour annoncer sa décision a en effet déclaré « Soyez fiers de la France au nom de laquelle ils sont morts » et « Aimez la France car c’est votre pays et que vous n’en avez pas d’autre ».

Guy Môquet est ainsi présenté comme un exemple pour la jeunesse. Evidemment, coupée de son contexte, l’histoire de ce jeune homme fusillé par les nazis incarne une jeunesse prête au sacrifice suprême pour la patrie, un martyr comme l’a dit le ministre.

Que le jeune homme soit un militant communiste, fils de député communiste, devient purement anecdotique.

Que son arrestation en octobre 1940 soit le fait de policiers français, que sa désignation et celle des 26 autres « fusillés de Châteaubriant » soient le résultat de la collaboration étroite des autorités de Vichy avec l’occupant nazi ne font l’objet d’aucune mention dans la note de service du ministère de l’Education nationale qui précise les modalités de la journée de commémoration.

Nous renvoyons au dossier d’accompagnement et à la circulaire pour en juger.

Partisane, cette décision est également antipédagogique : L’Histoire ne peut se réduire à une suite de journées commémoratives. Son enseignement n’est pas une succession de coups de projecteurs en fonction de l’air du temps. L’histoire n’est pas non plus une suite de créations de moments d’émotions en lieu et place de réflexion.

On nous dira certes qu’ici ou là, il y a eu contextualialisation, rappel des circonstances précises, etc ; Bref, ce que font toujours tous les enseignants de ce pays après avoir clairement fait le tableau de la situation politique et sociale de la France, une démocratie face aux totalitarismes, pour reprendre les intitulés officiels. Cela n’enlève rien au fond, et cela d’autant que nous savons qu’il y a eu aussi des pressions et des lectures imposées.

Mais nous souhaitons dénoncer ici les dérapages inqualifiables de Mr Guaino, qui à notre connaissance n’ont pas entraîné de réaction du ministre de l’EN. Dans une interview, Monsieur Guaino multiplie contre vérités et remarques insultantes sur les enseignants en déclarant « Je ne sais pas quelle est l’éthique de ces professeurs-là, pour qu’ils prennent en otage un moment d’émotion collective (...) ». Quand on sait qui furent les preneurs d’otages et le sort réservé aux victimes durant la guerre, ce sous entendu est particulièrement odieux.

Le ministre a tenté de faire croire que sa circulaire a été suivie d’effets en annonçant 93 % d’établissements où la lettre a été lue. Il est surprenant de voir utilisées de telles méthodes de propagande. Il a ensuite décidé que l’an prochain, ce ne serait plus G Môquet, mais une journée « consacrée à la jeunesse résistante ». Nous regrettons que la confusion succède à la confusion, l’imprécision à l’imprécision.

Nous apprenons par ailleurs qu’une nouvelle note de service est parue au BO du 31 octobre qui enfonce le clou avec un "DEVOIR DE MÉMOIRE" sur le thème "Mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions : 2 décembre 2007, 10 mai 2008".

Une fois de plus, au mépris de la liberté pédagogique et des programmes, le ministère confond Histoire et Mémoire. Il suffirait de lire les rapports de la DGESCO et les avis de ses Inspecteurs généraux pour mieux comprendre la nuance ! Voir, par exemple, ce que dit Laurent Wirth, IG d’Histoire Géo., en conclusion du colloque national sur "La traite négrière, l’esclavage et leurs abolitions : mémoire et histoire" (Paris, le 10 mai 2006) : "Face au devoir de mémoire, constamment mentionné par les médias, il convient en effet de privilégier un devoir d’histoire" (p. 69).

Le deuxième problème est plus local, et concerne un courrier de Mr l’IA du Nord aux écoles, dans lequel il invite à participer à l’action d’une association en faisant faire aux enfants des dessins destinés aux soldats français engagés sur des terrains extérieurs. Nous ne comprenons pas une démarche qui nous semble relever de pratiques très anciennes et désuètes. Certes, la République avait fait le choix durant la première guerre mondiale de mobiliser les enfants, et elle le fit encore longtemps ensuite pour commémorer le 11 novembre. Alors que ces temps là semblaient révolus, on les voit remis à l’honneur sous prétexte de diffuser des valeurs, exactement comme on l’a fait à l’occasion de la lettre de G Môquet.

Notre pays est engagé sur bien des fronts. Ce n’est pas ici le lieu d’en débattre. Par contre, nous ne pouvons qu’être surpris de la méthode utilisée. Jules Ferry référence obligée désormais, tout en rappelant que l’école avait une mission d’instruction civique, affirmait aussi qu’il fallait se tenir loin de « la politique militante et quotidienne,la politique de parti, de personnes, de coterie ; » Il ajoutait également que le maître devait en toute occasion se demander si tout père de famille pouvait accepter ses propos. Il me serait facile de montrer que bien des parents ne peuvent qu’être choqués par l’utilisation que l’on fait de leurs enfants, sans tenir compte de leur opinion.

Comment peut on justifier ce partenariat de l’IA avec une association au point de mobiliser écoles et enseignants du Nord au service d’un projet de cette association ? Que l’association ait reçu de l’IA le feu vert pour prendre contact avec des écoles (l’IA étant dans ce cas la garante de la neutralité et de la laïcité), que le projet des dessins soit retenu par certaines écoles, cela peut se comprendre au même titre que d’autres projets menés avec d’autres associations. Que cela devienne quasiment ujne instruction officielle est un autre problème.
Nous vous demandons d’adresser aux écoles un nouveau courrier dans ce sens et d’insister sur le respect nécessaire des opinions des parents.

Derrière ces problèmes se profilent des orientations qui nous inquiètent. Le président de la République a, en plusieurs occasions, et encore dans sa lettre aux éducateurs, fustigé la « période 1968 », y voyant le début et la cause du déclin de certaines valeurs qu’il entend restaurer. En tant qu’éducateurs, historiens et usagers de l’école d’avant 1968, il est préoccupant de voir contesté ce qui a été un des apports majeurs de cette période, à savoir le respect de l’individu et le souci de l’école de développer à toute occasion un esprit critique, base de l’appropriation des savoirs et de la constitution d’un citoyen libre et responsable. C’est le passage de l’Instruction publique à l’Education nationale.