Déclaration FSU – CDEN du 28 avril 2020
La situation que nous vivons depuis plusieurs semaines est inédite. Elle est, hélas, tout autant dramatique. La FSU réitère ses remerciements aux personnels soignants et plus généralement, à toutes celles et ceux qui, par leur travail et parfois au risque de leur santé, assurent notre quotidien. Les agents du service public ont manifesté un engagement immédiat, conséquent et sont en première ligne dans la gestion de la crise actuelle. C’est dans ces circonstances que le pays conforte sa conviction selon laquelle les services publics jouent un rôle indispensable, alors que ce gouvernement semble découvrir leur absolue nécessité. Les difficultés rencontrées aujourd’hui ne sont que les conséquences des politiques publiques menées depuis des années qui n’ont eu de cesse d’affaiblir ces services publics. Le 12 mars, le président Macron a appelé à la cohésion de la Nation, il a déclaré que la santé n’avait pas de prix. Il a également affirmé qu’il faudrait tirer les leçons de cette crise et interroger le modèle de développement du monde actuel. La FSU déplore que ce discours n’ait pas été suivi d’actes, et que les logiques libérales reprennent le dessus et poussent ceux qui dirigent le pays à faire voler la cohésion nationale en éclat.
En dépit de toutes les incertitudes actuelles concernant l’évolution de l’épidémie et la propagation du virus, le président et le gouvernement ont décidé de rouvrir les établissements scolaires à partir du 11 mai. Cette décision va à l’encontre des avis émis par l’INSERM et des organisations d’experts scientifiques. Pour la FSU, la raison invoquée, à savoir, la volonté de ne pas « creuser encore plus d’inégalités » au sein de l’école, est un motif fallacieux. D’autant que cet argument est mis en avant par ceux qui mènent une politique qui accentue les inégalités depuis trois ans. L’objectif implicite est avant tout de remettre les populations au travail pour des raisons purement économiques. Que celui-ci soit clairement exprimé par le Gouvernement et donc assumé.
L’annonce du Ministre de l’Éducation nationale a surpris les personnels ainsi que plusieurs membres de l’exécutif. Depuis, les propos du président, du ministre de l’éducation nationale ou du 1er ministre, en passant par ceux du ministre de l’intérieur, sonnent de façon cacophonique, on n’y comprend plus rien et plus les jours passent, plus l’inquiétude et la colère grandissent chez les personnels des établissements. Nous nous demandons véritablement si le Gouvernement est encore en mesure de tenir un cap cohérent.
Pour la FSU, tout a été fait à l’envers, pourquoi fixer une date sans se poser les questions préalables de la faisabilité de la réouverture des établissements scolaires ? De même, pourquoi fixer une date sans avoir réfléchi à un plan de dé-confinement et à un protocole de sécurité sanitaire pour les établissements scolaires ? Tout cela devient grotesque, mais surtout dangereux. Il en va de la santé des personnels, des élèves et directement, de toute la population. Pour la FSU, la réouverture semble très aléatoire au vu du rapport du conseil scientifique paru le 24 avril qui fixe les conditions minimales de leur réouverture progressive. Ce rapport apporte des réponses précises et répond aux questions posées sans relâche par la FSU à tous les niveaux. En tout état de cause, quelle que soit la date choisie pour ré-ouvrir les établissements, la FSU prendra toutes ses responsabilités et ne laissera personne jouer à la roulette russe avec la santé de la population s’il y a le moindre doute pour la sécurité des personnels et des élèves.
Concernant l’ordre du jour de ce CDEN, la FSU ne peut que regretter que le gouvernement ne soit pas revenu sur les suppressions de postes dans le second degré afin de préparer, dans la période actuelle, une rentrée sereine dans les collèges du département. La FSU le demande toujours, il en va de l’intérêt général après une telle crise sanitaire qui ne sera, de plus, probablement pas terminée en septembre. Là aussi, cela semble être du bon sens tant la tâche sera grande pour corriger les manques éducatifs engendrés par la crise actuelle.
En l’état actuel, la rentrée dans les collèges se prépare donc comme s’il ne s’était rien passé. Nous dénoncions déjà, en janvier, les moyens attribués aux collèges, la crise actuelle ne va pas améliorer les choses. Pour la rentrée 2020, le ministère prévoit 440 suppressions d’emplois d’enseignants dans le second degré public après les 5250 suppressions cumulées de 2018 et 2019. Cela représente une moyenne de 2000 suppressions par an alors que les effectifs auront augmenté de 99300 élèves sur la même période. L’académie de Lille n’est pas épargnée malgré des difficultés sociales que personne ne peut nier. Elle est d’ailleurs à la première place en nombre de pertes d’emplois : avec les 105 suppressions de postes programmées pour la prochaine rentrée, on atteint près de 530 suppressions de postes en trois ans malgré des effectifs en hausse. Pour les collèges du département, la dotation est en légère augmentation (+248 heures dont 75 Heures Postes) après les fortes baisses de ces deux dernières années puisque c’est près de 1200 HP qui ont été supprimées alors que les effectifs étaient et sont toujours en hausse. Cette légère amélioration est donc loin de rattraper les pertes et ne permettra pas d’améliorer les conditions de travail des collègues et des élèves alors que la situation actuelle le nécessite plus que jamais.
Cette année, l’indice de position sociale des collèges a été pris en compte pour établir les dotations des établissements. Si ce critère peut paraître juste et équitable afin d’identifier les établissements qui accueillent un public socialement défavorisé, son utilisation avec une enveloppe restreinte de moyens n’améliorera que peu de situations d’établissements et surtout, cela se fera au détriment d’autres. En effet, avec 38 % des collèges du nord en éducation prioritaire, avec 73 % des collèges qui ont un IPS inférieur à 100, avec l’IPS moyen des collèges qui est à 90,5 alors qu’il est à 105 au niveau national, c’est davantage de moyens qu’ont besoin les collèges plutôt que d’un autre mode de calcul qui de plus, risque de mettre en difficulté les équipes dans les collèges qui vont perdre des heures. Il aurait été préférable d’utiliser les IPS des établissements comme correctifs afin d’améliorer des situations plutôt que d’en dégrader mais pour cela, le département a besoin de moyens et d’une dotation plus importante.
Dans le premier degré, la récente augmentation des postes apporte, sans aucun doute, des moyens bienvenus mais les critères de leur répartition ne permettent pas d’aboutir à une plus grande égalité. Cette dotation supplémentaire indique donc que d’autres choix budgétaires sont possibles. Il faudra veiller à ce qu’elle ne reste pas du domaine de l’exception mais au contraire l’amplifier et l’inscrire dans les années à venir pour une démarche d’amélioration durable du service public d’éducation.
Des choix budgétaires plus ambitieux auraient dû par exemple se concrétiser par un nombre de postes au CRPE plus important. Au lieu de quoi nous subissons cette année une baisse de 30 %, indubitablement, ces moyens manqueront, dès l’année prochaine, aux élèves du Nord.
Notre département va être doté de 4 ETP supplémentaires. Bien que nous subissions une baisse démographique, cette faible dotation ne vous permettra pas, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, d’honorer les priorités ministérielles, comme la limitation des effectifs à 24 élèves en grande section de maternelle, sans qu’elle soit pour autant compenser par des fermetures.
La crise sanitaire a, en outre, mis en exergue les inégalités tant sociales que scolaires. Pourtant ce sont les écoles en REP+ qui ont un solde ouvertures/fermetures négatif (42 ouvertures pour 47 fermetures). Cette année encore les RASED ne verront pas leurs effectifs abondés alors que les besoins sont importants, tout comme les remplaçants et les CPC. Ces types de postes ne sont pas un supplément d’âme, ils contribuent de manière déterminante à la réussite des élèves les plus fragiles.
Le Président, le premier Ministre et le gouvernement nous promettaient que demain ne serait pas comme hier. Nous formulions d’ailleurs ce vœu lors du dernier CTSD. Une société plus juste et solidaire, voilà l’aspiration de la FSU. Ce n’est malheureusement pas la voie qu’emprunte ce gouvernement avec des lendemains qui seront source de désenchantements et de déceptions. La FSU demande au gouvernement de renoncer aux suppressions de poste de personnels dans les établissements et de dégager des moyens supplémentaires afin de préparer sérieusement la rentrée de septembre. C’est de cette façon que le gouvernement pourrait montrer sa volonté de prendre en compte réellement le « décrochage scolaire ». La période de confinement a accru les inégalités, nous aurons besoin d’un meilleur taux d’encadrement dans tous les établissements.
Pour terminer et dans le contexte actuel, la FSU attend également de ce CDEN un point sur la situation départementale, elle souhaite des débuts de réponses aux interrogations légitimes des personnels et un premier examen des mesures envisagées pour la réouverture progressive des établissements scolaires. Comment, par exemple, après avoir réduit le nombre de personnels d’entretien et externalisé l’entretien des collèges, le département compte-t-il assurer un bio-nettoyage des locaux plusieurs fois par jour ?