Déclaration de la FSU au CDEN du 22 mai 2012, portant sur le Plan Éducatif Global Départemental.
La dégradation de l'éducation nationale est le fruit du désengagement de l'État et d'une conception élitiste du système éducatif. Les attaques se sont cumulées durant ces dernières années, conjuguant suppressions d’emplois, rigueur budgétaire et réformes réactionnaires. Guidé par le souci d’économie, le projet éducatif de l'ancien gouvernement a bien montré sa cohérence :
Développement renforcé des élites.
Tentatives d’éviction précoce d’une grande partie des élèves, considérés comme in-éducables, renvoyés à de pauvres acquisitions (socle commun), sujets d’un discours compassionnel plutôt qu’ambitieux faisant fi du poids des inégalités sociales.
Mépris pour la question du contenu des programmes et la volonté d’affaiblir des disciplines structurantes dans l’acquisition des savoirs. Les modalités de fabrication des programmes sont allées de pair avec la dégradation des conditions de travail et d’étude.
Ces attaques ont provoqué la dégradation des conditions d'études des élèves et permettent à certains d'en déduire que le caractère national de l'éducation est « étatique », ou « centralisateur » concepts supposés « passéistes » et lui opposent une prétendue modernité qui passerait par la globalisation de l'éducation, l'utilisation « a priori » des TICE et l'idée que l'éducation devrait maintenant être au service de l'insertion dans l'emploi ce qui serait censé répondre aux angoisses et au repli sur soi des élèves et de leurs familles.
En réalité, plutôt que de rejeter la responsabilité de l'échec du système sur les enseignants et sur le service public d'éducation délibérément détruit à cette fin, c'est d'un véritable plan d'urgence qu'il faut mettre en œuvre.
C'est-à-dire d'abord mettre fin aux suppressions de postes qui frappent notre académie depuis 1998 et redonner rapidement aux établissements les moyens nécessaires pour l'exercice de leurs missions.
Mais il faut aussi assurer les recrutements pour l’avenir alors même qu'aujourd'hui les candidats aux concours sont en nombre insuffisant pour pourvoir les postes.
Cela passe aussi par la volonté de faire respecter et revaloriser les métiers de l’Éducation , tant en matière de statutaire que salariale, en mettant fin notamment au gel des salaires.
Il faut enfin redonner un sens au système éducatif en rompant avec les réformes régressives et inégalitaires notamment celle qui a supprimé la carte scolaire, celle qui a instauré le socle commun de compétences et son Livret Personnel et celle qui a entamé la destruction de l'éducation prioritaire en instaurant le dispositif ÉCLAIR. C'est pourquoi la FSU maintient que les solutions préconisées telles que les collèges labellisés pôles d'excellence tout comme les internats d'excellence ne peuvent pas être la réponse à la lutte contre le décrochage scolaire.
Éducation globale.
Le concept « d'éducation globale », encensé par le conseil général, reprend les principes de l'évaluation par compétences instaurés par la loi Fillon en 2005. Cette loi est notamment matérialisée par le Livret Personnel de Compétences, véritable copie « modernisée » du livret ouvrier du 19ème siècle. Cette conception utilitaire de l'éducation, rejetée par la grande majorité des personnels, tend à reconnaître des « formations » hors temps scolaire, y compris « familiales ». Cela met gravement en cause l'existence des diplômes et le caractère national de l'éducation. La FSU est attachée à l’élévation des qualifications des jeunes au sortir du système éducatif dans le cadre d'une scolarité obligatoire jusqu'à 18 ans. Elle considère que l’accès aux diplômes correspondants reste la meilleure protection contre le chômage et la précarité et pour l'amélioration des conditions de travail et un salaire juste.
Accompagnement scolaire.
Les actions de remédiation ne peuvent s'envisager que de manière très provisoire. Estimer qu'elles seraient un élément éducatif à pérenniser signifierait qu'il faut renoncer à donner au système éducatif national les moyens de fonctionner correctement ou qu'il faut renoncer à considérer que tous les élèves sont éducables.
La volonté affichée de mettre en place des accompagnements spécifiques, tant auprès les enfants « repérés par les services départementaux » qu'auprès de ceux en difficulté scolaire pose clairement la question des personnels nécessaires et celle de leur qualification. Il serait en effet illusoire de penser que les enseignants pourraient adhérer efficacement à un tel projet alors qu'il sont déjà surchargés de tâches supplémentaires qui entravent la mise en œuvre de leurs missions. D'autant plus que les élèves en difficultés , repérés ou non par le CG , bénéficient d'un accompagnement personnalisé par l’Éducation Nationale, par le service médical, infirmier et social. Après des années de pénurie, la FSU réclame un projet ambitieux de prévention et d'accompagnement des élèves en développant ces services, interface de longue date avec les équipes éducatives et les services extérieurs à l'EN, et non de l'externaliser aux collectivités territoriales. En outre, l'idée que la méthodologie puisse être enseignée par une tierce personne, autre que le professeur de l'élève, dans le cadre de sa discipline, nie la notion même de pédagogie. Et il serait tout aussi incohérent de créer de nouveaux personnels qui interviendraient en doublons sur des missions qui sont déjà contenues dans celles des enseignants, personnels qualifiés, compétents et soucieux de respecter un cadrage national des programmes. Ce serait faire fi d'une utilisation responsable de l'argent des contribuables. Quant à transférer les personnels concernés vers les collectivités territoriales, comme le suggère M. Rebsamen, président du groupe socialiste au Sénat, dans le cadre d'une décentralisation accrue, ce serait pour la FSU une solution aussi inacceptable que la tentative de décentralisation des missions d'orientation en 2003.
Intrusion dans la liberté pédagogique.
Pour enseigner efficacement, un enseignant doit être libre de traiter les programmes nationaux de la manière qu'il le souhaite, cela s'appelle la liberté pédagogique. C'est pourquoi nous refusons que le Conseil Général interprète les programmes, qu’il influe sur les contenus d’enseignement, qu’il distribue notamment du matériel pédagogique sans concertation avec les personnels et leurs représentants. Il est tout aussi inacceptable que le conseil Général pallie le désengagement de l’État sur les questions éducatives comme dans le cadre du soutien scolaire. En effet, cela se traduit par une ingérence de plus en plus criante dans l’organisation quotidienne des établissements au risque d’ouvrir la porte à de grands groupes privés et de menacer le caractère laïque de l'éducation ainsi que le statut et les missions des personnels.
La mise enplace des ENT (Environnements Numériques de Travail).
Les ENT vont fortement modifier l'environnement professionnel des enseignants et leurs pratiques. Ils représenteront une charge de travail supplémentaire. Ils sont imposés, sans discussion ni accord des personnels, à la fois par les autorités de l’Éducation nationale et par le conseil général. Qu'en est-il du respect de principes fondamentaux comme le droit à l’information, le respect des droits d’auteur, de la confidentialité des données ? De plus, la démarche locale renforce les inégalités sociales et territoriales. Nous revendiquons que la mise en place de matériel informatique respecte le principe d’égalité sur tout le territoire national. Un cadrage national et non départemental, après concertation, des différents logiciels informatiques pratiqués dans les établissements doit être réalisé avant toute mise en œuvre. Cette démarche doit s’inscrire dans le cadre de l’utilisation de logiciels libres.
Enfin, les ENT doivent être sous le contrôle des équipes pédagogiques et en aucun cas se substituer à la relation directe avec les familles. Ils ne doivent pas être une manne financière pour éditeurs ou permettre l’entrée des officines privées de soutien scolaire au sein de l’école. Les ressources et outils libres et collaboratifs doivent être privilégiés et faire l’objet d’une réflexion et d’une concertation collective et non être l'outil permettant de mettre en partage de « bonnes pratiques ». Ce système, inspiré par une conception libérale de l'éducation mène inévitablement à l’appauvrissement des contenus pédagogiques et à leur simplification.
Le service public national d'orientation.
Le Conseil général a affiché depuis deux ans sa volonté à mettre l'État face à ses responsabilités en fermant les CIO dont il avait la charge au prétexte que les missions d'orientation sont de la compétence de l'État et qu'il doit les assumer financièrement. Quelle cohérence avec l'intention annoncée maintenant de pallier au nombre insuffisant de COPsy en proposant aux élèves de l'information sur le contenu des filières de formation, des rencontres avec les « professionnels », en prétendant faciliter le choix d'un métier ou la recherche d'un stage ? Pourtant, les missions des conseillers d'orientation psychologues sont parfaitement définies et comportent les aspects que souhaite développer le conseil général. Pourquoi créer ici des doublons entre les missions de l'État et celles des collectivités territoriales plutôt que d'exiger que l'État remplisse ses obligations ?
Le rôle des associations.
Les enseignants sont les seuls responsables des choix pédagogiques et des actions nécessaires à la mise en œuvre des programmes que tous les élèves doivent aborder. Il est inconcevable que des associations soient désignées « a priori » comme proposant des actions auxquelles les enseignants pourraient s'associer. Le respect de la liberté pédagogique ne peut s’accommoder de telles démarches.