Retour des grilles de compétences
Par Magali Laumenerch
A quelques jours des conseils de classe du deuxième trimestre, les collèges viennent de recevoir une « note technique » intitulée « Les compétences et l’orientation. Les compétences et l’affectation ».
Cette note concernant l’orientation des élèves de troisième est coercitive, mais laisse aussi de nombreux choix aux établissements.
Elle précise que, dès cette année, les compétences seront prises en compte en supplément des résultats scolaires pour l’affectation en CAP et BEP, mais elle laisse aux établissement le choix d’évaluer tous les élèves ou en fonction des intentions d’orientation vers la voie professionnelle ou encore en fonction des vœux définitifs pour la voie professionnelle. Elle énonce la prise en compte de quatre compétences par le logiciel AFFELNET en fonction de la spécialité, ce logiciel attribuera le coefficient décidé, mais indique que huit doivent être évaluées. Elle fait référence au « Guide d’aide à l’orientation des élèves » dont les enseignants n’ont pas même entendu parler depuis le début de l’année scolaire.
Elle concerne l’orientation des élèves de troisième, mais elle précise que « A partir du deuxième trimestre au choix de l’établissement » les compétences doivent être prises en compte pour l’affectation en CAP et BEP.
On ne peut que conseiller, vu les délais trop brefs, d’opter pour ne pas remplir ces grilles dès maintenant.
A cette note est jointe une « grille d’aide à l’évaluation des compétences » qui peut être remplie séparément par chaque enseignant, la synthèse se faisant en réunion ou en arrêtant l’évaluation finale en réunion.
Les huit compétences doivent être évaluées sur une échelle de quatre valeurs : pas ou peu acquise, en cours d’acquisition, acquise, très bien maîtrisée. Les valeurs seront ensuite transformées en notes 4, 8, 12, 16.
Pour faire passer la pilule, on y met les formes et on laisse croire aux collègues que les choses se mettent en place avec de la souplesse et en laissant beaucoup de choix aux établissements. Mais c’est là même que réside le plus grand danger : aucune harmonisation, aucune équité, aucune égalité. De plus si les établissements sont autorisés à ne pas renseigner ces grilles au deuxième trimestre, ils devront le faire au troisième.
Les compétences proposées à l’évaluation sont encore différentes de celles du socle commun, elles émanent d’un travail d’IEN ET / EG et d’IEN / IO en liaison avec des lycées professionnels. L’évaluation se fait d’après la note technique « depuis l’entrée au collège de l’élève » en l’observant « en activités disciplinaires ou interdisciplinaires, en découverte professionnelle, lors de stage ou de forums », c’est-à-dire sur des critères subjectifs, sur des impressions et presque uniquement sur des aspects comportementaux. Les élèves vont être évalués rétrospectivement depuis leur arrivée au collège, sans avoir été prévenus, et les enseignants sont sensés évaluer des élèves qu’ils n’ont peut être pas eu en classe.
La démarche fait fi des efforts entrepris depuis une année par les collègues pour évaluer les élèves sur des critères différents de ceux de la grille et pour faire en sorte que les enfants s’investissent dans leur propre processus d’orientation, c’est leur avenir qui est en jeu : comment les responsabiliser si les règles changent constamment à leur insu ! Quel mépris pour le travail des CO psy et des professeurs principaux !
Nous contestons cette approche qui n’est pas de nature à aider l’orientation des élèves, dans la mesure où elle revient à orienter des élèves, non plus en fonction de connaissances et d’acquis à travers les disciplines, mais en fonction de critères imprécis, mal définis, subjectifs ou difficiles à identifier. Elle n’est pas non plus de nature à favoriser l’orientation vers l’enseignement professionnel, enseignement déjà mal traité par la réforme du BAC professionnel.
Cette évaluation représente une charge de travail supplémentaire pour les collègues. La synthèse est prévue lors d’une réunion, s’agit-il du conseil de classe ou d’une réunion venant s’ajouter aux nombreuses réunions auxquelles nous assistons déjà ? Dans le premier cas cela risque d’allonger considérablement la durée des conseils. Mais surtout, elle dénature entièrement le métier d’enseignant tel que nous le concevons : l’évaluation ne peut se réduire à faire des plus et des moins dans des cases.
A deux reprises, les collègues, à l’appel de la CAA du SNES, ont rejeté ce dispositif, en organisant collectivement le boycott ou en évaluant les compétences à la « note » maximum. Il suffit de quelques refus pour enrayer le logiciel d’affectation.
La CAA renouvelle son appel à bloquer le dispositif.