Le lundi 7 novembre, à Amiens, la FSU a rencontré la vice-présidente de la région Hauts de France, Manoëlle Martin, en charge des lycées, accompagnée de Martine Pavot, des services techniques de la région.
La vice-présidente a rappelé les objectifs de la région, qui veut « placer l’emploi au cœur des politiques régionales de formation et d’orientation professionnelle », en mettant en place des formations prenant davantage en compte les besoins des entreprises locales. La région veut donner davantage de place aux entreprises dans l’Éducation et au sein des établissements-via des fablabs- pour informer et former les jeunes ; cela passe aussi, selon elle, par le développement de l’apprentissage.
La FSU ne peut pas adhérer à cette vision utilitariste de l’école, qui méconnaît tout d’abord le rôle de chacun des membres de la communauté éducative , n’envisage que l’adaptabilité au marché du travail , qui plus est une adaptabilité locale et extrêmement réduite, et qui oublie la formation du citoyen et la formation professionnelle à long terme donnant la capacité aux jeunes de rebondir au cours de leur carrière professionnelle. La formation professionnelle doit conduire à un diplôme garant d’une insertion sociale et professionnelle pour tous les jeunes et la formation professionnelle continue doit prendre le relais pour les adultes.
Budget de l’Éducation pour le Conseil : Austérité ou non ?
La vice présidente a confirmé que le budget global pour les lycées était maintenu dans un contexte de réduction budgétaire annoncée de 300 millions € pour la mandature de 2016-2021. Dans deux ex-régions avec des priorités éducatives et des fonctionnements différents, la convergence des pratiques, dans le cadre des réductions budgétaires, va entraîner de nombreux changements.
En effet, la vice -présidente n’a eu de cesse de répéter que la Région ne maintiendrait pas les dispositifs précédents parce qu’ayant fait d’autres choix, elle n’en avait pas les moyens financiers. L’exécutif régional a décidé d’aligner les fonctionnements :
– pour la gestion des lycées, le système de l’ex-région Nord Pas-De-Calais a été retenu, système validé par la Chambre Régionale des Comptes,
– pour la carte lycéenne, c’est le principe de la carte Cursus de l’ex-Picardie. De fait disparaissent tous les dispositifs antérieurs du Nord/Pas-de-Calais.
Le Conseil régional construit encore son futur budget : de nombreuses questions restent sans réponse et seront tranchées au cours de l’année 2017. Cependant, la dotation des lycées de la région Hauts de France a été communiquée à l’ensemble des équipes de direction et les nouveaux modes de calcul de la dotation globale financière des établissements rebattent complètement les cartes : beaucoup des repères existant les années antérieures ont disparu.
De plus, les annonces de Xavier Bertrand sur un traitement identique des lycées publics et privés laissent craindre pour l’avenir une baisse importante des dotations budgétaires des lycées publics.
Budget de mon lycée : ce qui va changer. Individualisation des pratiques.
Les lycées des académies d’Amiens et de Lille étaient conçus sur des modes de fonctionnements différents : la dotation globale de fonctionnement (DGF) ne prenait pas en compte les mêmes dépenses. Par exemple, la région Nord Pas-de Calais gérait le financement des travaux des lycées et en Picardie, chaque établissement le faisait ; en Nord Pas-de-Calais, un groupement d’entretien des chaudières était géré par la région et en Picardie, chaque établissement le gérait ; pour le sport, le financement de l’EPS ou des activités sportives étaient subventionné différemment ; les crédits pour la culture était 3 fois plus importants en Picardie mais les investissements étaient beaucoup plus faibles ...
La nouvelle gestion de la région affecte un budget par établissement et instaure un dialogue de gestion personnalisé avec chaque établissement. Ce dialogue de gestion individualisé existait dans le Nord/Pas-de-Calais depuis 4 ans mais il prend désormais des proportions encore plus grandes. A cet effet, depuis les vacances d’automne, la région rend visite à tous les établissements de la région pour évaluer les besoins et les marges de manœuvre (265 visites déjà programmées). La FSU estime que, si la prise en compte des particularités de chaque établissement est une nécessité, l’appréciation individualisée des besoins plutôt que catégorisée est une remise en cause de l’égalité de traitement de tous les usagers du Service Public d’Éducation. De plus, ce traitement se fait dans l’opacité la plus complète.
Budget : comment est-il construit ?
Sur 255 lycées, 168 voient leur dotation baisser de 18% en moyenne et 87 voient leur dotation augmenter de 16% en moyenne. S’appuyant sur les budgets des 3 années antérieures pour concevoir les budgets 2017, la dotation globale de fonctionnement a été communiquée aux établissements de la région. La poursuite de la réduction des fonds de réserve, mis en œuvre en Nord Pas-de-Calais depuis 3 ans, impacte la dotation de certains établissements à la baisse, jusqu’à 30% par rapport à l’année 2016. La règle selon laquelle les fonds de roulement de l’établissement doivent couvrir l’équivalent de 90 jours a été réaffirmée. S’il y a baisse de la Taxe d’Apprentissage notamment en LP , la Région s’engage à la compenser à condition que cela lui soit signalé dans les délais.
Tous les dispositifs pour des actions particulières (projets lycéens, EROA, … ) sont supprimés et remplacés par une enveloppe « Actions éducatives » de 11€ par élève avec un minima de 3000 € par établissement et limité à 15000 € pour les établissements les plus importants. Cette enveloppe est laissée à l’autonomie des établissements pour gérer toutes les actions éducatives (sorties culturelles et sportives, projets éducatifs …). Les budgets participatifs sont également supprimés mais, au cas par cas, certaines actions engagées pourront être poursuivies. En conséquence, cela entraîne la suppression du financement de nombreux projets lycéens.
La région a annoncé qu’au sein des budgets « Culture « et « Sport » de la région, des actions pourraient être prises en compte et en particulier une subvention spécifique aux Associations Sportives : les parcours de découverte (dispositif culturel de l’ancienne région picarde) sont reconduits et, pour les transports, une subvention complémentaire est envisagée pour les établissements éloignés des lieux sportifs ou culturels.
La FSU émet de vives réserves sur des les budgets puisque cette dotation ne permettra pas de prendre en charge tous les dispositifs existant au sein des établissements, surtout dans la région Picardie qui avait fait de l’accès à la culture et au sport une priorité. De plus, la subvention ne sera versée qu’a posteriori. La FSU incite les représentants des personnels à exiger la sanctuarisation des crédits d’enseignement dans l’intérêt des élèves, des établissements et des équipes éducatives.
Matériels et entretien des établissements :
En ce qui concerne les personnels territoriaux (ex TOS ) au sein des établissements, pour le moment, aucune externalisation des missions n’est envisagée. Cependant, un audit demandé à l’Inspection Générale est en cours d’élaboration sur les personnels techniques des établissements avec étude d’externalisation, le danger reste présent d’une externalisation à terme malgré les discours rassurant de la collectivité, et des arbitrages seront effectués par la suite. En parallèle, la région veut solliciter davantage les artisans locaux pour les travaux au sein des établissements. Or ces missions sont déjà assurées le plus souvent par des personnels TOS.
Sur les personnels précaires en contrat CUI (contrat unique d’insertion), la région Ex-Nord PdC avaient eu recours à plus de 1100 contrats aidés contre seulement 170 pour la Picardie. La FSU n’a eu aucune réponse sur la nouvelle orientation retenue pour ces postes et pour les missions qu’ils occupaient. Où est donc le respect des missions du Service Public ? L’a priori idéologique en faveur du monde de l’entreprise au détriment des services publics est affirmé sans complexe par la Présidence de Région. La FSU a rappelé avec fermeté qu’elle exigeait la création de postes de fonctionnaires formés et titulaires pour assurer ses missions.Dans ce contexte , l’avenir des contractuels et des contrats aidés est sur la sellette.
Gestion du parc informatique : des Emplois d’Avenir avaient été recrutés en Nord PdC pour leur gestion dans les établissements. Ceux dont les contrats se sont achevés depuis septembre, seront contactés pour une éventuelle embauche (10 contrats sont en voie de renouvellement et 45 contrats sont en cours de recrutement). La FSU a rappelé que les dotations en personnel étaient déjà très insuffisantes et que si la région veut conserver un parc informatique entretenu, il est urgent de créer des postes dédiés pour leur gestion dans les établissements (dans certains lycées, ce sont des parcs de plus 600 ordinateurs à gérer au quotidien). Les EMOP, équipes mobiles d’ouvriers professionnels, ne peuvent pas être la seule réponse aux nombreux besoins de gestion quotidienne.
Matériel informatique : la région envisage des achats groupés de matériel pour répondre aux besoins des établissements. La FSU a attiré l’attention de la région sur ces dotations en matériel standardisé, qui ne peuvent pas répondre aux demandes spécifiques des équipes éducatives.
Aide aux familles en difficulté :
Pour les élèves de lycées professionnels, l’achat automatique de la boîte à outils est supprimé et ce dispositif est remplacé par l’étude au cas par cas des besoins.
Pour toutes les autres aides, après l’utilisation des fonds sociaux de l’État, un dialogue personnalisé entre le Chef d’établissement, la famille et un service spécifique de la région sera mis en place. Au sein des établissements, des dossiers choisis seront remontés auprès du guichet unique de la région en charge du dossier.
Pour la FSU, cette procédure est une remise en cause profonde du principe de l’Aide aux familles : sans critère défini, la prise en charge des besoins des familles sera individualisée et inégalitaire. De plus, même si le dossier est traité en 10 jours par la région, en multipliant les filtres et les procédures, le service rendu aux familles sera conditionné à la constitution du dossier au sein des établissements. La FSU appelle les personnels à demander la réunion en urgence et de façon régulière de la commission des fonds sociaux et de veiller au respect des droits de chacun. L’attribution des aides ne doit premièrement pas devenir une prérogative du chef d’établissement. Deuxièmement ,il n’est pas acceptable de demander -comme le fait actuellement la Région-un classement des élèves défavorisés les plus « méritants » parce que la Région décide de couper dans les dispositifs d’aide existants. La FSU appelle les personnels à agir en CA sur cette question, notamment par des dépôts de motion.
Vente de locaux : la région va engager prochainement, la cession immobilière de locaux non utilisés. Par exemple, une maison qui sert de logement de fonction au lycée de Gondecourt, un bâtiment au lycée Malraux de Béthune qui servait pour le GRETA et les BTS ...D’autres sites sont à l’étude. Il faudra veiller à ce qu’il n’y ait pas de cessions injustifiées.
Plans d’investissement pour les lycées :
70% des budgets d’investissement vers les lycées iront pour l’enseignement agricole.
Les futurs dossiers traités par la région Hauts de France seront :
- Carte des formations professionnelles
– Mobilités européennes des lycéens
– Transports scolaires qui vont devenir à la charge de la région en septembre 2017.
Suite à cette rencontre, la FSU attend de la région de nombreux éclaircissements sur les choix de sa politique éducative envers les lycées publics. D’ores et déjà, des désaccords de fond se font jour : la gestion individualisée des lycées, la réponse au cas par cas à tous les dysfonctionnements ou problèmes de personnels ou de matériels rencontrés, le traitement individualisé des aides aux familles en difficulté.
La FSU est également opposée aux priorités ou choix budgétaires de la région Hauts de France : le soutien accru à l’apprentissage pour la formation professionnelle, (au détriment de la formation initiale au sein des lycées) la volonté de donner une place importante aux entreprises au sein des établissements scolaires, la volonté d’orienter les jeunes et les travailleurs selon les besoins des entreprises, le développement des aides aux entreprises qui plus est, sans contrepartie. Ces choix auront un impact négatif sur le quotidien des élèves et de leur famille, sur les personnels des lycées ainsi que sur la carte des formations professionnelles. La FSU restera vigilante pour défendre un service public d’Éducation de qualité , garant d’une égalité de traitement des citoyens sur tout le territoire régional. Elle appelle l’ensemble des personnels et de leurs représentants à intervenir en CA dès le mois de novembre et à alerter sur ces choix pernicieux pour l’avenir des lycéens et lycéennes de la région.