7 juin 2020

Les établissements

Classes filmées : enseigner, ce n’est pas du cinéma ; lettre de la section Snes-FSU du lycée L. de Vinci de Calais

Enseigner, ce n’est pas du cinéma

Des collègues, spontanément ou sollicités par leurs directions (qui, parfois, ont installé des webcams dans les salles sans les consulter) envisagent de filmer leurs cours afin de résoudre l’épineux problème présentiel /distanciel et de limiter la charge de travail .

Mais filmer et diffuser des images ou par extension des enregistrements, est encadré très précisément par la loi (cf. document ci-dessous)

Nul ne peut s’y essayer sans avoir obtenu au préalable l’autorisation écrite des personnes concernées. Même si la caméra est dirigée vers le tableau, nous ne pouvons pas garantir que des voix d’élèves ne seront pas entendues dans la séquence filmée.

Par ailleurs, sur le plan pédagogique, un cours filmé ou enregistré ne permet pas l’interaction, cela ne peut être qu’un pis aller.... Si c’est clair, pour nous, il n’est pas certain que le ministère l’entende et ne profite pas de la brèche pour trouver des gisements d’économie : s’il est possible de dispenser un cours à la moitié d’une classe, qu’est ce qui empêche de le faire à l’intention d’un groupe plus nombreux ?

Notre vrai métier est en présentiel. Nous ne sommes pas responsables des décisions ministérielles et notamment de rendre facultatif le retour en cours en présentiel.

Au moment où le ministère réfléchit à la préparation de la rentrée 2020, et voudrait tirer parti de la crise sanitaire pour imposer de nouvelles obligations aux personnels, de façon à réduire encore les moyens nécessaires au fonctionnement des établissements, nous observons plusieurs initiatives visant à imposer des classes filmées.

De nombreux éléments législatifs, réglementaires que rappelle la lettre des collègues de Calais peuvent permettre d’empêcher l’imposition de ce type de pratiques visant à laisser croire que la « classe filmée » pourrait avoir la même efficacité que l’enseignement en classe.

Le Snes et la FSU ont été les seuls à dénoncer ces initiatives en CT académique le 4 juin.

Lors du conseil pédagogique du 05/06/20 ainsi que dans votre courrier aux parents, élèves et enseignants datant du 05/06/20 en fin d’après-midi, vous annoncez qu’il y aura des webcams dans les salles de classes et que « les enseignants (...) ont la possibilité de faire partager en direct les cours aux élèves absents selon l’emploi du temps établi au 08/06/20. Cette possibilité relève de la liberté pédagogique des enseignants ».
Nous avons été très surpris par ces informations car à aucun moment ni les équipes pédagogiques ni les élus du personnel n’ont été consultés sur ce point. Cela n’a jamais été évoqué dans aucune instance. Nous déplorons cette absence de dialogue car nous vous aurions fait part de nos réticences et de notre opposition à votre choix dans les instances.

En effet, nous ne pouvons que nous opposer à cette mesure qui vise à tenter d’imposer de l’enseignement à distance à nos collègues en les mettant directement devant le fait accompli puisque lundi quand ils arriveront dans les salles de classe, les caméras seront installées. En outre, comme le courrier aux parents mentionne cette possibilité, des professeurs qui refuseraient cette possibilité en se référant à leur liberté pédagogique pourraient subir une certaine pression des parents pour mettre en place ce dispositif. Ils pourraient donc se retrouver en difficulté d’exercer leur liberté pédagogique.

Pour nous, le distanciel ne peut et ne pourra jamais remplacer le travail d’un enseignant dans sa classe, en chair et en os avec ses élèves. Le distanciel peut permettre de garder un lien élève/enseignant au mieux mais c’est tout. D’ailleurs, pendant le confinement le distanciel a clairement été un facteur d’aggravation des inégalités sociales.

En outre, l’installation de webcam pose des problèmes de droit à l’image et à la diffusion pour les élèves comme pour les collègues (images et voix) comme le précise l’article 9 alinéa 1 du Code civil qui dispose :« Chacun a droit au respect de sa vie privée ».
De ce fait y aura-t-il un protocole mis en place avec accord écrit de l’enseignant et des élèves pour l’utilisation de leurs droits à l’image et à leur diffusion ? Y aura-t-il un affichage explicite dans la salle de classe signalant la présence de webcam comme le demande la CNIL ( les règles pour les webcams étant les mêmes que pour la vidéosurveillance
https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/_videosurveillance_etablissements_scolaires.pdf?fbclid=IwAR10UCVHHGxts5rJKqsX6S2F5KOhrWPRP7dLhOQ5PpnankPmVkSQzrB71DU ) ?

D’après la DANE, (cfhttps://dane.web.ac-grenoble.fr/article/les-classes-filmees-elements-de-reglementation?fbclid=IwAR3Yf7p6zXXiPJWfapgnZrBvLq-xZoAhCeWOG1xyXaVmNDeEregxK72ULLo ) lors de classes réelles filmées, les parents doivent donner leur accord pour que soient enregistrées la voix et les images de leurs enfants.
Quelles garanties pouvez-vous nous donner sur le stockage et la diffusion de ces vidéos ? Nous sommes clairement opposés à ce dispositif et nous pensons qu’il est dangereux pour notre métier à long terme. Nous pensons également qu’il soulève de nombreux problèmes quant au droit à l’image et à la diffusion de ces images.