Un contexte général d’austérité
La dotation globale de la Région pour les lycées publics est en baisse de 2% par rapport à l’an passé.
Dans le même temps les établissements privés sous contrat continuent de recevoir près de 50 millions d’Euros au titre du forfait régional d’externat et des multiples aides spécifiques à l’enseignement technologique ou professionnel pour investir, rénover, développer.
Dans le même temps les coûts de l’énergie ne sont pas revenus au niveau d’avant 2022 et cela pèse toujours très fort dans les budgets tandis que l’inflation sur certaines fournitures ou services nécessaires au fonctionnement a été très élevée depuis 5 ans.
Une centaine d’établissements va donc connaître une baisse de sa dotation et pour les autres, les augmentations ne seront que légères et ne permettront pas de revenir au niveau des dotations des années précédentes. Concrètement, des lycées se retrouvent déjà dans d’importantes difficultés, dans l’impossibilité d’acheter du papier pour les copieurs par exemple ou d’engager des travaux urgents.
La préparation du budget dans le cadre d’une autonomie en trompe-l’œil
La dotation est globalisée et il revient au CA d’arrêter la ventilation du budget entre différents services, les activités pédagogiques (AP), la viabilisation et la logistique (ALO), le service de restauration (SRH) et la Vie de l’élève. Le chef d’établissement et le secrétaire général (gestionnaire ou intendant) doivent présenter un budget « sincère » censé refléter la réalité des charges de l’établissement et à l’équilibre pour les recettes et dépenses. Dans ce cadre très contraint, lorsque la dotation baisse, l’autonomie ne peut consister dès lors qu’à trouver des économies pour réduire les dépenses.
https://www.snes.edu/publications/les-supplements-de-lus/le-courrier-de-letablissement-conseil-dadministration-2/ (pages 25 à 27).
Des baisses budgétaires qui affectent notre travail
C’est ce cadre qui amène les directions d’établissement à proposer de tailler dans les dépenses pédagogiques (sorties et voyages, matériel pédagogique, papier et reprographie) ou dans certaines dépenses d’entretien (détergents, matériel de nettoyage, contrats de maintenance). Sans dénigrer le travail des gestionnaires et des chefs d’établissement, il serait difficile pour des élu.es du personnel de voter pour de tels budgets : ce serait valider le choix de l’austérité.
AGIR AVANT LE CONSEIL D’ADMINISTRATION
Demander l’instruction de la Commission Permanente ou d’un Groupe de Travail
Les élu.es peuvent demander lors du premier CA nouvellement élu, la création d’une commission permanente (en lui déléguant des compétences secondaires), et ils et elles peuvent saisir cette commission pour instruire la question budgétaire : https://lille.snes.edu/Fonctionnement-du-C-A-Un-decret-des-credos.html
Les élu.es ont aussi la possibilité de demander un « groupe de travail » en amont du CA afin que les documents leur soient présentés, qu’ils/elles puissent commencer à les étudier et à les discuter pour connaître les motivations de la direction dans les choix qu’elle a arrêtés. C’est un délai gagné avant le vote en CA qui peut être utile afin de mieux se préparer à la riposte.
Exiger la présence des représentant.es de la collectivité
Les élu.es peuvent aussi prendre l’initiative d’un courrier aux élu.es désigné.es par la Région pour la représenter au CA. Ces élu.es sont rarement présent.es mais il serait logique, démocratique, qu’ils puissent rendre des comptes à d’autres élu.es sur les choix de la collectivité. (leur adresse mail est souvent -sans accent ni majuscule- : prénom.nom@hautsdefrance.fr)
Alerter l’opinion publique
La Région ne rate pas une occasion pour mettre en avant ses initiatives, nous avons tout intérêt à faire connaître à l’opinion publique la réalité de choix qui sont avant tout des décisions politiques et qui contribuent à affaiblir le service public. Un communiqué de presse adressé aux médias locaux (radio, chaînes de télé locale, presse écrite) est un moyen de pression que nous sommes tout à fait en droit de mobiliser. Un rassemblement devant l’établissement, avec les représentant.es des parents d’élèves, est aussi un bon moyen de se rendre visibles en invitant la presse. Attention à bien engager ces démarches au nom de la section syndicale, cela vous protège de toute velléité d’intimidation.
https://www.snes.edu/agissons/outils/le-droit-syndical-dans-l-etablissement/
LE VOTE EN CONSEIL D’ADMINISTRATION
Imposer dans le débat l’idée que d’autres choix sont possibles
Les débats au Conseil d’Administration devraient pouvoir amener à envisager d’autres arbitrages dans l’affectation de la dotation. Par le passé, certains chefs d’établissement avaient compris qu’ils ou elles avaient intérêt à maintenir des crédits pédagogiques et à faire porter les baisses sur les provisions en électricité, gaz ou eau… ces dernières lignes épuisées, la collectivité devait alors abonder une dotation complémentaire en cours d’année, la fermeture d’un établissement scolaire privé d’eau ou d’éclairage n’étant pas envisageable. Etre en capacité si possible, en se basant sur les montants alloués les années précédentes d’annoncer une somme d’argent qui manque pour juste assurer le fonctionnement de l’établissement ne serait-ce qu’au niveau des crédits pédagogiques.
Faire adopter un vœu/une motion
Les élu.es ont la possibilité de présenter un vœu au CA pour dénoncer l’insuffisance de la dotation et ses conséquences et il est possible de le soumettre au vote. On peut accompagner ce vote d’un chiffrage de l’augmentation souhaitée et d’une indication de répartition de la somme supplémentaire. Ne pas hésiter à demander une suspension de séance et inviter les autres élu.es, parents ou élèves, à venir discuter de manière plus informelle afin de revenir sur les tenants et aboutissants d’éléments qui peuvent parfois ne paraître que techniques et surtout de présenter les choses plus librement sans les arguments d’autorités de la direction.
https://www.snes.edu/agissons/outils/motions-ou-voeux-au-ca/
Modèle de vœu :
https://www.lille.snes.edu/Dotations-de-fonctionnement-des-lycees-exemple-de-voeu-motion-pour-les-CA.html
Voter contre
Les chefs d’établissements et les gestionnaires n’hésitent parfois pas à recourir à des arguments de mauvaise foi pour faire passer « leur » budget et avancent l’idée qu’en cas de vote contre majoritaire, les établissements s’exposent à une procédure dite « de règlement conjoint » pire que leur proposition. Certains n’hésitent pas à dire qu’en l’absence de budget, le lycée ne sera plus autorisé à effectuer des paiements, que les voyages deviendront impossibles et qu’il courra vers l’abyme (d’autres, il est vrai tiennent le même discours à l’échelle du pays). La réalité est loin d’être aussi dramatique : votre établissement sera placé en règlement conjoint, il fonctionnera avec la dotation qui lui est allouée… quant à l’annulation de sorties et voyages, rien n’est fatal si les choses sont un peu anticipées mais il est vrai que certains chefs préfèrent alors jouer la politique du pire.
ET APRES ?
Le règlement conjoint
En cas de vote majoritaire contre la proposition du chef d’établissement, l’établissement ne disposera pas de budget au 1er janvier. Pendant un mois, parfois deux, l’établissement ne disposera pas de la totalité de la subvention de la collectivité. Mais l’instruction codificatrice M9.6 précise que « jusqu’à ce que le budget soit exécutoire, le chef d’établissement est en droit, dès le 1er janvier de l’exercice, de mettre en recouvrement les recettes, d’engager, de liquider et valider les demandes de paiement de la section de fonctionnement dans la limite de celles inscrites au budget de l’année précédente », il peut donc mobiliser la dotation dans la limite d’1/12e du montant alloué à chaque service dans le précédent budget. Répétons-le, la subvention sera de toute façon versée et l’établissement aura donc les moyens de continuer à fonctionner. Ce sont les autorités de tutelle (Région et Académie) qui se chargeront de proposer le nouveau budget avant de le transmettre au préfet pour contrôle.
Changer d’échelle pour continuer à mettre la pression
L’an passé, quelques établissements se sont rassemblés devant le Conseil Régional à l’initiative de sections d’établissements lilloises : elles ont été entendues par certain.es élu.es d’opposition et l’exécutif régional a bien été obligé de les recevoir, alors qu’il n’en n’avait pas l’intention au départ. La section académique peut contribuer à organiser et amplifier ce genre de mobilisation : il est donc important de faire remonter par mail (s3lil@snes.edu) vos remarques et vos interventions sur le budget de vos établissements. Une mobilisation académique de l’ensemble des établissements concernés aura plus de poids que des démarches dispersées.
LA REGION COMME INTERLOCUTEUR ?
La régionalisation, une bonne occasion pour l’Etat de se retirer de ses missions
La Région n’est a priori pas notre interlocuteur, elle n’est pas notre employeur et nous ne le souhaitons pas. Depuis les lois de décentralisation, cette collectivité a en charge le bâti des établissements, son entretien, et le transport scolaire mais les exécutifs régionaux réclament une place toujours plus grande. L’Etat en a profité pour se retirer de certains financements qui ont pourtant trait de plus en plus près à notre pédagogie : manuels scolaires dans certaines académies, manuels numériques imposés, dotation en PC et équipements numériques (on se souvient des fameuses tablettes à Lille), financement de sorties et voyages. Les dotations d’État sont devenues marginales en regard de la dotation régionale.
Cette dérive n’est pas sans conséquence et nos actions même locales et limitées comme celles sur un vote de CA, peuvent permettre de reprendre la main sur ces questions et d’en montrer l’importance à nos collègues.
La régionalisation, une occasion pour dessaisir les personnels de leur contrôle démocratique sur l’argent public
L’an passé, la Région a placé en règlement conjoint un nombre de lycées bien plus important qu’habituellement (47 établissements concernés en 2025), lors de votes" Contre" la proposition du chef d’établissement mais aussi lors de votes "Pour" lorsque les propositions des chefs d’établissement ne lui plaisaient pas. Elle a, de cette manière par exemple, obligé certains établissements à prélever sur leurs fonds de réserves pour abonder le SRH ou la viabilisation en ALO. Elle impose de plus en plus aux établissements de souscrire à des contrats de groupe qu’elle négocie directement et sans en rendre compte aux usagers (contrats d’énergie notamment mais aussi de maintenance, licences informatiques). Au fond, la Région estime qu’en tant que financeur des établissements, le dernier mot doit lui revenir. La décentralisation n’est pas le processus démocratique qu’on nous vend volontiers sous prétexte de rapprocher la décision politique du terrain. Les choix dramatiques opérés, sans concertation, sur la question des serveurs informatiques l’a pleinement démontré en ce mois d’octobre 2025. L’action syndicale, c’est défendre concrètement la démocratie et demander des comptes à une institution qui aimerait tellement pouvoir s’en passer !
