12 octobre 2025

Les établissements

« Stratégie de réussite » : offensive éclair contre nos métiers

« Stratégie de réussite » : offensive éclair contre nos métiers

Les ministres défilent, mais les attaques contre la professionnalité continuent : le rectorat de Lille passe ainsi commande d’un « plan de réussite », véritable outil de cadrage des pratiques d’évaluation.

Par un courrier en date du 1er octobre , la rectrice de Lille s’est adressée aux chef-fes établissement pour leur demander de mettre en place une « stratégie » et un « plan de réussite » au nom de « l’accompagnement pédagogique des élèves de 4e et 3e ».

L’initiative ne trompe personne : il s’agit bien de mettre la pression sur les chef-fes d’établissement, et à travers elles et eux sur les équipes pédagogiques, afin qu’il soit mis en place un cadre qui permettrait de « piloter » le contrôle continu du DNB, désormais fondé sur les moyennes des enseignements de 3e. Comme nous en avons eu la confirmation lors du dernier comité des examens du 6 octobre, le rectorat a mis au point -dans l’urgence- ce dispositif d’encadrement après avoir fait des projections sur les taux de réussite au DNB 2026. Projections qui l’ont visiblement fortement inquiété ! Pourtant, une commission académique d’harmonisation sera mise en place, et pourra revoir à la hausse, comme à la baisse, la moyenne annuelle obtenue par les élèves d’un même établissement dans un enseignement.

Comme il n’existe aucune possibilité légale (liberté pédagogique), statutaire (évaluer est une mission qui relève exclusivement des professeur-es) ou réglementaire (les notes de services, circulaires, guides et vademecum n’ont pas de valeur normative) de contraindre les collègues à accepter de renoncer à leur autonomie professionnelle, l’Institution mobilise des procédés malheureusement bien connus, inspirés du monde de l’entreprise privée et qui rappelle « l’auto-évaluation » des établissements.

- l’urgence et la déstabilisation : un courrier signé le 1er octobre pour une remontée des plans d’actions ... le 10. Ceci en dit long sur la pseudo-concertation, organisée dans la précipitation : les remontées des collègues nous le démontrent, avec des suppressions de cours « sauvages » et les pressions pour participer ... au dialogue.

- la mobilisation d’un discours consensuel et culpabilisateur : qui s’opposerait à faire réussir ses élèves ? Sauf que le discours qui est tenu est déconnecté du réel dégradé que subit la profession, et qu’il reporte la responsabilité des échecs sur les équipes, en éludant les causes profondes : manques de moyens, nombre d’élèves par classe, surcharge de travail, empilement d’injonctions et perte de sens. Sans oublier le maintien des regroupements en 6e-5e, qui creuse les écarts de réussite comme l’a démontré un rapport de l’Inspection Générale.

- la verticalité et l’application des prescriptions : dans le guide « Formaliser une stratégie de réussite » auquel le courrier fait référence, on incite l’encadrement à considérer « les professeur-es réticent-es au changement, aux nouvelles réformes » comme des « menaces » (!).

- le contournement des règles nationales par le local, via la présentation d’indicateurs locaux qui gomment la réalité et la complexité de notre travail.

On est donc bien loin de l’intérêt des élèves : l’objectif de cette stratégie managériale, c’est de confier à la direction le leadership en matière pédagogique pour imposer des « bonnes pratiques » en matière d’évaluation : imposer la fréquence, les modalités, des coefficients, des évaluations de rattrapage, etc. qui amèneront à rendre des comptes, non seulement au chef de service, mais aussi aux parents d’élèves.
Le fameux guide préconise d’ailleurs d’organiser un « film annuel » constitué ... de réunions !

... et faire des collègues des éxécutant-es, nier leur expertise et le travail quotidien qu’ils et elles effectuent pour prendre en compte la réalité des élèves ... Dans la droite ligne du « Choc des savoirs » auquel le Snes-FSU, avec la profession, continue de s’opposer.

Lire notre article et diffuser le tract : « Evaluation des élèves, DNB... ne rien se laisser imposer »

Un guide pour [encadrer les pratiques pédagogiques] des équipes éducatives
Sans aucune valeur réglementaire, le guide évoqué par le courrier est un véritable concentré de « choc des savoirs » (savoirs fondamentaux, compétences psycho-sociale ...) et de stratégie néomanagériale